tâ* -**# #v*y*y ***!
J-4/\k* *k ^ +& ^t 4£%te %k -Sk 4* 4r4>
flAF<^t U_ S/Mf.Y£*WÉ
REFLEXIONS
SUR. QUELQUES CAUSES
de l'état présent
DE LA PEINTURE
. . EN FRANCE,
Avec un examen des principaux Ou~
vrages expofés au Louvre le mois
d'Aaât 1746+
A TLA HAYE,
Chez Jean N e a u l m e*
M, DCC xlyil
\^j E petit Ouvrage avait été
fait pour par oit re pendant l'expo-
jition des Tableaux au Louvre }
dans le mois de Septembre dernier 5
mais des contre-tems que l'on rtavoit
garde de prévoir , en ont retardé
IHmpreJJion jufques a préfent.
L'on y a bazardées plufieurs
àigrejjions , dont quelques - unes
font un peu égalées , pour jet ter
quelque variété dans le Jiile , é*
éviter la monotonie toujours léthar-
gique des longues differtations fur
un même jujet. Sans cela , com-
ment fanver aux Lecteurs l 'ennui
des éloges répétés ? on a efpéré que
Aij
cet ejpii pourvoit engager quelqu'une
de nos meilleures plumes également
irerfe'e dans les grâces du Jiile , &
dans la connoijfance des beaux Arts ,
a remplir un projet qui leur pourrait
être extrêmement avantageux*
EXTRAIT d'une Lettre de
Monfieur de Bonne val au
Sieur de la Tour , impri-
mée dans le Mercure d'Octo-
bre dernier , fag. 137.
1
L (erolt à fouhaiter qu'elle fût fui-
vie {cette expojîtion) d'un examen judi-
cieux 3. dans lequel on feroït fennr le
caraftère de chaque Peintre 3 & les diffé-
rentes parties dans lesquelles ils excel-
lent. Je conviens que ce projet exigerait
de V Auteur de l'examen beaucoup de
connoijfance ^ & fur tout de cette aménité
de ftile , qui fait rendre la critique utile
fans bleffer. Un pareil Ouvrage infirui-
toit par degrés^ & infenfiblement met-
trait les Spectateurs qui ont quelque
A iij
génie y en état âe ne pas bazarder des
jugement aujfî bizarres que ceux que
j'ai quelquefois entendus. La beauté
du coloris ne féduiroït plus affez, pour
faire grâce a la peftnteur des Draperies y
& à V irrégularité de l'Ordonnance* Om
ne confondroit pas la dureté avec la force
de Vexprejjion ; les grâces avec les mlg-
nardifes , & ainfi du refie.
REFLEXIONS
S U K
Q^U E L Q.U £ S' CAUSES
de l'état préfent de la Pein-
ture en France*
Avec un Examen des principaux
Ouvrages expo/es m "Louvre U
mois d'Août 174e*
'Amour de la Peinture $c degF
beaux Arts > & le zèle pour
leur avancement , font les^
feuls motifs qui font paraître en pu^
Uic ces fentimens-ci > fiur les Ouvrages
1 Ref exions
expofés cette année au Louvre. Il s'en
faut beaucoup que l'on prétende les
donner comme des déçifîons. Si l'on
penfe que rien ne feroit plus abfurde
que le projet de vouloir aflfujettir le
jugement des autres au lien propre j
Ton croit en même tems qu'il pourroit
être très - avantageux au progrès des
Arts , comme à celui des Lettres , de
propofer des réflexions critiques , mais
modeftes , fans pafïîon & fans aucun
intérêt perfbnnel , qui puflènt faire
appercevoir aux Auteurs leurs défauts,
& les encourager à une plus grande
perfection.
Un Tableau expofé eft un Livre mis
su jour de Pimpreflîon. Ceft une piè-
ce repréfentée fur le théâtre : chacun à
le droit d'en porter fon jugement. Ce
font ceux du Public les plus réunis , êc
les plus équitables que l'on a recueilli >.
fur U Peinture. %
$c que l'on préfènte aux Auteurs, Ôc
point du tout le ûcn propre : perfuadé
que ce même Publie , dont les juge-
rnens font û fouvent bizarres y & injuk
ses par leur prévention ou leur préci-
pitation , fe trompe rarement' quand
toutes fes voix fe concilient fur le mé^
rite ou fur les défauts de quelque ou~
vrage que ce foit».
Ceft avec les égards les plus fcruW
puleux , Se l'intention très réelle de ne
défobliger perfonne , que l'on rapporte
les jugemens des connoifïeurs judicieux,
éclairés par des principes y & encor plus
par cette lumière naturelle que Pou
appelle fentiment , parce qu'elle fait
fentir au premier coup d'œil la difïb-
nance ou l'harmonie d'un ouvrage , 8c
e'eft ce fentiment qui eft la bafè du>
goût 3 j'entens de ce goût ferme & in*
variable du vrai beau , qui ne s'ac.«*
4 Réflexions
quiert prefque jamais, dès qu'il n'eft
pas le don d'une heureufe naifïànce.
Peu . d'Auteurs, arriveront à une ré-
putation du premier ordre , fans le
fècours des confeils & de la critique
non - feulement de leurs Confrères ,
dont la plupart ne jugent des beautés
& des défauts de leur Art que relati-
vement à la froideur & à la fécherefïè des
règles , ou par une routine de compa-
raifôn â leur propre manière , fbuvent
uniforme & répétée , mais par la cri-
tique d'un fpectateur défîntereffë Se éclai-
ré , qui fans manier le pinceau , juge
par un goût naturel & fans une atten-
tion fervile aux règles. Voilà ceux que
l'on ne fauroit trop confulter fur la con-
venance des tons , fur le choix des dé-
tails, fur leurs effets particuliers & gé-
néraux , & fur l'harmonie de ce bel
cnfemble, qui fait le charme des ïeux.
fur la Peinture. y
Plufieurs Peintres manquent encor
d'arriver à cette réputation du premier
ordre dont je viens de parler , parce
qu'ils manquent dans le choix des
Sujets, C'eft l'écuê'il ordinaire des
Peintres médiocrement verfés dans l'Hit
toire : ou de ceux qui préfumant de
leurs forces , & ignorant les bornes
de leurs talens , veulent briller dans
tous les genres , fou vent par une vanité
exceflîve , quelquefois aufïi par une
balïè envie des fuccès de leurs Confrè-
res dans d'autres genres que le leur.
Cette jaloufîe ri méprifable à l'homme
de génie , cette fille odieufe de l'or-
gueil , & fouvent fœur de la médio-
crité , combien a-t'elle féduits de bons
Ecrivains qui ont voulu traiter toutes
fortes de matières , & parler pour des
génies univerfèls ? Un efprit (*) du (*)Mr.
premier ordre du fiécle dernier » & tendis/
6 Refexiotn
dont celui-ci a encore le bonheur de
s'illuftrer , célèbre dans tous les genres,
a fait beaucoup de mauvais imitateurs ,
qui auroient peut-être été eux-mêmes
des modèles , s'ils avoient fu fe fixer dans
la fphere de leur capacité.
Je reviens au choix des Sujets dont
dépend le plus fouvent la fortune des
Tableaux. Quoique le nombre foit
prefque infini de ceux que nous offrent
l'Hiftoire facrée, la Profane & la Fable,
nous voïons tous les jours des Auteurs
indolens , plagiaires nés , s'attacher à
des Sujets traités mille & mille fois.
Ignorent -ils l'empire de la nouveauté
fur notre cfpritj & qu'elle tient lieu
tous les jours <le mérite à nos écrits ?
Il n'eft donné qu'aux génies vaftes , Se
pénétrans de découvrir dans des Sujets
épuifés aux ïeux des efprits vulgaires ,
une infinité de circonftances neuves 3
intéreiîanres ,
fur la Peinture, y
-intérefïàntes , qui liées à l'action prin-
cipale , & préfentées fous cies aipeéts
nouveaux Se ingénieux , favent rajeunir
ces Sujets vidés en apparence, par le
choix d'un plus beau moment, & d'un
nouvel intérêt. Un Auteur, en Peinture
comme en poè'lîe , doit mefurer Ion
projet à fès forces , pour ne pas tomber
dans le défaut de certains Peintres »
qui fe flatent de déguifer avec les char-
mes de la nouveauté des Sujets tombes
de vieillerie : mais ne pouvant imagi-
ner des beautés neuves dans leurs corn-
pofitions , où ils défirent cependant (bû-
tenir une certaine réputation d'efprit
méritée & dont ils fe piquent: trop
fenfés d'ailleurs pour ajouter des Epifo-
des déplacés, fur tout dans des Sujets
facrés & d'un Hiftorique inviolable ,
ils arToiblinent l'euentiei de l'action ,
pour y fubftituer des attitudes violen-
B
8 Repxions
tes cV exaggérées : ils jettent fur les vi"
fages , ôc particulièrement dans les re
gards une expreiïîon outrée qui devien
une grimace auiïi indécente dans h
Sacré , que comique dans le Profane.
De tous les genres de la Peinture
le premier fans difficulté eft celui d(
l'Hiftoire. Le Peintre Hiitorien eft feu1
le Peintre de l'ame , les autres ne pei-
gnent que pour les ïeux. Lui feul peut
mettre en œuvre cet enthoufiafme > ce
feu divin qui lui fait concevoir fes
Sujets d'une manière forte 8c fublime :
lui feul peut former des Héros à la
poftérité , par les grandes actions 8c les
vertus des hommes célèbres qu'il pré-
lente à leurs ïeux , non par une froide
lecture , mais par la vue même des
faits & des acteurs. Qui ne connoît
l'avantage de ce fens fur tous les au-
tres , 8c l'empire qu'il a fur nôtre ame
fur la Peinture. 5>
pour lui porter l'imprefïion la plus fou-
daine ôc la plus profonde?
Mais où trouveront nos jeunes élevés
la chaleur ôc le feu de ces éloquentes
exprefïions , la fource de ces grandes
idées , de ces traits frapans ou inté-
reflàns, qui cara&érifent le vrai Peintre
d'Hiftoire ? Ce fera dans les mêmes
fonds où nos meilleurs Poètes ont tou-
jours puifé. Chez les grands écrivains
de l'antiquité : dans l'Iliade & POdifïee
d'Homère Ci fécond en images fublimes :
dans l'Eneïde il riche en actions héroï-
ques y en pathétiques narrations ôc en
grands fentimens : dans l'art Poétique
d'Horace , thréfor inépuifable de bon
fens pour la conduite d'un plan de
Tableau épique ou tragique , dans celui
de Defpreaux fon imitateur , chez le
TalTe, chez Milton. Voilà les hom-
mes qui ont ouvert le cœur humain -y
Bij
10 Réflexion f
qui ont fa ^ voir , 8c nous rendre Ces:
troubles , fes fureurs, Tes agitations avec
une éloquence & une vérité qui nous
inftruifent , en nous comblant de plaifuv
Le Peintre Hiftorien eft-il religieux?
Veut-iî confacrer Ion pinceau aux Sujets
de piété ? Quelle fouree abondante de
grands évênemens y du feul merveilleux
vrai 8c refpe&able , 8c du pathétique
majeftueux, que dans nos Livres fa-
crés j 8c fur tout dans les cinq grands
Prophètes , Ifaïe , Ezechiel , Jérémie 3
Daniel , 8c le Prophète Roi ? N'eft-
ce pas ce dernier qui a infpiré le célèbre
Roufièau , ce poë'te fi fublime 8c fi
exa<fk , dont la force 8c la beauté du
génie ont fait tant d'honneur à fon fié—
cle 8c à la Poè'fie françoife ! N'eft-ce
pas à David qu'il doit les beautés ra-
vinantes de fes Odes facrées ?
Tout le monde fait le rapport parfak
fur la Peinture. ïi
du Peintre avec le poëte. Il fera fans
chaleur Se fans vie , Se fori génie fera
bientôt refroidi , s'il ne l'échauffé par
un commerce opiniâtre avec ces grands
hommes dont je viens de parler. Quand
je confeille cette étude à nos Peintres
d'Hiftoire , je fuppofe qu'elle a été pré-
cédée Se étaïée de celle de nos Peintres
anciens Se modernes les plus célèbres
dans ce genre. Raphaël 5 Dominiquin >
les Carraches 3 Jule Romain 3 Piètre de
Cortone3 Sec. Se parmi nous, Rubens,
le Poufîin , le Sueur , le Brun > Coypel 3
le Moine dans fon plat- fond de Ver-
failles , chef-d'œuvre de Part ? Se com-
parable à tout ce qui a été fait de plus
beau en ce genre , foit en France , foit
en Italie : enfin de tous les excellens
ouvrages dont il doit avoir médité pro-
fondément Pœconomie, l'ordonnance.,
les effets de leurs fàvantes compoil-
B iij
** Réflexions
rions y Se copiés les morceaux les plus
eftimés pour le. deflèin Se pour le colo-
ris. Sans une collection abondante de
ces excellens matériaux , il ne parvien-
dra jamais à conftruire l'édifice folide
Se durable d'une grande réputation.
Après avoir donné aux Peintres Hif-
toriens le rang Se les éloges qu'ils mé-
ritent , que ne puis - je les prodiguer à
ceux d'aujourd'hui, Se les élever, ou
du moins les comparer à ceux du fiécle
pafle î fiécle heureux ! où le progrès Se
la perfection dans tous les Arts avoienc
rendue la France rivale de l'Italie ! Je
iuis cependant bien éloigné de penfer
que le Génie François foie éteint, Se
fe vigueur entièrement énervée. Les
Peintres célèbres de nôtre Ecole que je
viens de nommer , Se qui ont égalé le
fiécle de Louis XIV. à celui de
Le on X. dans les beaux Arts , Se
fur la Peinture: r$
même furpaffë par leur nombre' , trou-
veroient encore aujourd'hui des émules »
û le goût de la nation n'avoir beau-
coup changé , & fi , aux révolutions.
qu'amenent nécelïàirement dans les Etats
comme dans les efprits la fuccefïion des-
années , Se l'empire de la nouveauté,
il ne s'y étoît joint un goût exceffif pour
un embellifïèment dont le fuccès a été
extrêmement nuifible à la Peinture.
Les Glaces , dont nous regarderions
le récit des effets comme un conte de
Fée, Se une merveille au-defïus de
toute croïance , il la réalité ne nous en
étoit devenue trop familière , ces Glaces
qui forment des tableaux où l'imitation
eft fi parfaite qu'elle égale la nature mê-
me dans l'illufion qif elle fait à nos ïeux;
ces Glaces afïèz rares dans le fiéclepafïe,
&: extrêmement abondantes dans celui-
ci , ont porté un coup funefle à ce bel
M Réflexions
Art , Se ont été une des principales cau-
fes de fbn déclin en France , en ban-
niflànt les grands fu jets d'Hiftoire qui
faifoient Ton triomphe , des lieux dont
ils étoient en pofleffion , Se en s'empa-
rant de la décoration des Salions Se des
Galleries. J'avoue que les avantages
de ces Glaces qui tiennent du prodige 3
méritoient , à beaucoup d'égards , la
faveur qu'elles ont obtenue de la mode.
Percer les murs pour en aggrandir les
appartenons , 'St y en joindre de nou-
veaux -, rendre avec ùfure les raïons
de la lumière qu'elles reçoivent 3 (bit
celle du jour 3 ou celle des flambeaux ,
comment l'homme ennemi né des ténè-
bres , Se de tout ce qui peut en occa-
fionner la trifteflè 3 auroit-îl pu fe dé-
fendre d'aimer un embelliflèment qui
l'égaie en l'éclairant, Se qui en trom-
pant fes ïeux , ne le trompe point dans
fur la Peinture. i|
l'agrément réel qu'il en reçoit ? Gom-
ment lui préferera-fil les beautés idéales
de la Peinture fouvent fombres, dont
le plaifir dépend uniquement de l'illu-
fion à laquelle il faut fe prêter , & qui
n'affecte ni l'homme greffier ni l'igno-
rant ?
Le fuccès rapide d'une découverte Ci
favorable au plaifâr général , Se au goût
particulier d'une nation avide de tout
ce qui eft brillant & nouveau , ne doit
point nous furprendre malgré fes agré-
mens purement ma ■ AAds y Se bornés
entièrement au plriiir des ïeux. 1/inté-
rêt a tout mis en œuvre pour en per-
fectionner les manufactures 3 & pour les
multiplier à l'infini. Mais comme il
étoit impofïible d'en revêtir totalement;
les murs des grands appartenons 5 foit
à caufe des frais coniîdérables , foit par
le dégoût quJauroit caufé l'uniformité a
1 5 Réflexions
on a imaginé d'en remplir les inter-
valles par des vernis de couleurs cou-
chés fur des panneaux enrichis de do-
rure , & même fans dorure y l'éclat &c
le poli de ces vernis agréables étant
après les Glaces ce qui réfléchit le plus
la lumière.
La fiencc du Pinceau a donc été for-
cée de céder à l'éclat du verre j la faci-
lité méchanique de fa perfection , & fon
abondance ont exilé des appartemens
le plus beau des Arts , à qui lJon n'a
latiTé pour azile que quelques miféra-
bles places à remplir , des defïus de
portes , des couronnemens de chemi-
nées Se ceux de quelques trumeaux de
Glace raccourcis par ceconomie. Là ,
refîèrrée par le défaut d'efpace à de pe-
tits fujets mefquins hors de la portée de
l'œil 3 la Peinture eft réduite dans ces
grandes Pièces à des repréfentations
fur la Peinture. 17
froides , in lipides Se nullement intérêt
fàntes : les quatre Elemens , les Saifons t
les Sens , les Arts , les Mufes , & au-
tres lieux communs triomphes du Pein-
tre plagiaire , & ouvrier , qui n'exigent
ni génie , ni invention , Se pitoïable-
ment tournés Se retournés depuis plus
de vingt ans en cent mille manières.
Je devrois pafïèr fous filence pour
l'honneur de ce bel Art, les lieux igno-
bles où la Peinture s'eft réfugiée depuis
fon exil des appartenons. Nos pères au-
roient-ils pu prévoir qu'un jour parmi
lapoufîière des angars , & les ordures
des remifes , des Curieux viendroîent
admirer les beautés d'un favant pin-
ceau dans ces vils réduits ? Rien n'eft
plus vrai cependant qu'avant que les
Camaïeux eulïènt pris le defïus pour
l'embellifïèment des Carrofïès , ony a
vu pendant plusieurs années des Ta-
1 8 Reflexions
bleaux coloriés , dJun prix de d'une
perfection fupérieure , ou du moins
égale à tous ceux qui ornoient les ap-
partemens des maîtres de ces maifons,
Ces beaux Tableaux n'étoient tirés de
leurs honteux étuis que pour être traî-
nés dans les rues, y eiïuïer les outrages
de la boue , & être expofés tous les
jours fans aucune défenfe à être mis en
pièces par le choc des plus fales tom-
beraux , des charrettes , ou par l'allure
ïmpétueufe de ces mêmes Carrofïès ,
enfin par les embarras infinis des voies
publiques inévitables dans une auiîî
grande ville. Que doivent le plus «4-
tUmc Haêer les Etrangers ? ou le mépris igno-
minieux, & l'abus ridicule chez nous
de ce bel Art , ou l'excès Se la bizarre-
rie de nôtre luxe porté à un Ci haut
degré d'extravagance?
Il refont encore aux Sujets de Fabk
ou
fut U Peinture. i£
ou d'Hiftoire un champ fertile Se favo-
rable au Génie du grand Peintre dans
la fience des percés , & des raccourcis ,
&: où tout l'art magiqae de la Peripec-
tive pouvoir être mis en œuvre , 8c
c'étoient les fiât - fonds. Mais le Public
accoutumé à l'éclat des Glaces que mal-
heureufement on n'a pu encore placer
dans les nouveaux , &c que je ne défèC-
pere pas dJy voir admirées quelque
jour 3 a préféré à des beautés du refïort
de Pefprit > & qui demandoient de la
réflexion ôc quelques connoiflances >
la blancheur matérielle du Plâtre décou-
pé en fîligrame dans la naiflànce des
vouflures > dans les angles , Sç dans les
points du milieu par des ornemens de
la même matière , fouvent dorés > quel-
quefois peints 3 la plupart grotefques
imperceptibles , que Voltaire a critiqués
fprt à propos dans fon Temple du Cou:,
G
't& Réflexions
Je couvrirai Plat-fonds , Voûtes >
Vouffures
Par cent magots travaillée avec
foin ,
D'un pouce ou deux pour être vus
de loin.
Et dans un autre endroit y
Le tout glace' , verni 3 vlan*
chi , doré ;
Et des Badauds a coup fur Ad-
mire'.
Voilà les principales caufes du déclin
préfent de la Peinture. Je ne doute
point qu'elles n'aient forcés plufieurs
élevés j> dans les mains defquels le Génie
avoir mis fes pinceaux , d'abjurer leur
talent, ôc de fe livrer, ainfi que nos
auteurs en ouvrages d'efprit, aux fujets
futiles de la mode Se du tems ; ou bien
au genre le plus lucratif dans cet Art?
fut U Peinture, 0
& c'e& depuis plufeurs années celui
du Portrait.
Un Peintre attaché aujourd'hui obfti-
nément à l'Hiftoire par l'élévation de
fes penfées , de par la noblelïè de {es
expreiïions, fe verra réduit à quelques
ouvrages pour les Eglifes , les Gobe-
lins, ou a un très -petit nombre de
Tableaux de chevalet que l'on a prêt
que entièrement proferits des ameuble-
mens , parce qu'ils gâtent > dit-on , les
capiflèries de foïe , dont on préfère à
préfent le luftre ôc l'uniformité aux
favantes variétés du Pinceau y ôc à tou-
tes les productions de l'efprit. Quelle
fera la rerîburce du Peintre Hiftorien
s'il n'eft pas en état de nourrir fa fa-
mille de mets plus folides que ceux
de la gloire ? Il facrifîera à fes befoins
fon goût favori 3c (es talens naturels ,
pour ne pas voir fa fortune rempanté
C ij
Xi Réflexiôns-
malgré fa fîence Se Tes travaux 3 vis-à-
vis de la rapide opulence de Tes Con-
frères en Portraits 3 Se fur tout au Paf-
tel. Il étouffera la voix de fon génie >
Se détournera Ion pinceau de la route
de la gloire pour fuivre celle qui mené
aux aifances de fon état. Il fourTrira à
la vérité pendant quelque tems de fe
voir forcé de flater un vifage minaudier
fbuvent difforme ou furanné, prefque
toujours fans phifionomie ; à multi-
plier des êtres obfcurs^fans caractère ,
fans nom , fans place , Se fans mérite j
fouvent méprifés , quelquefois même
odieux, ou tout au moins indifférens
au Public , à leur poftérité , à leurs héri-
tiers même qui abandonneront leurs
traits à la pouiTîère du galetas , Se à la
dent des fouris ; ou qu'ils verront pafïer
froidement d'un encan à la décoration
des chambres garnies > pour en illuf-
fur ta Peinture. i$
trer les Bergames. Ne nous étonnons
donc point que le Portrait foit le genre
de Peinture aujourd'hui le plus abon-
dant y le plus cultivé Se le plus avanta-
geux aux pinceaux même les plus mé-
diocres. Son crédit eft très ancien £ &
il eft fondé fur plufieurs bonnes raifons.
Quoique le goût général d'à préfent
pour les beautés d'une tapiflèrie de
Damas , relevée par des bordures riche-
ment dorées Se agréablement fculptées 3
ait banni des appartenons , comme un
ornement ennuïeux 8c fuperflu y les
tableaux d'Hiftoire , ceux en Portraits
ont fu les remplacer , & obtenir une
exception de la mode , & de fes capri-
ces en leur faveur.
L'amour propre , dont l'empire eft
encore plus puifîànt que celui de la
mode y a eu l'art de préfenter aux ïeux
& fur tout à ceux des Dames , des mi-
C iij:
24 Réflexions
roirs d'elles-mêmes d'autant plus en>
chanteurs qu'ils font moins vrais , 8c
que par- là , ils ont chez le plus grand
nombre la préférence fur les Glaces trop
fincères. Et en effet 3 quel fpedtacle eft
comparable y pour une beauté réelle ou
imaginaire , à celui de fe voir éternelle-
ment avec les grâces & la coupe d'Hebé
la Déeiïè de la jeunefïè ? d'étaler tous
les jours fous l'habit de Flore les char*
mes naiflàns du Printems dont elle eft
l'image ? ou bien parée des attributs de
la Déefîè des forêts 3 un carquois fur le
dos 3 les cheveux agités avec grâce , un
trait à la main, comment ne fe pas croire
la rivale de ce Dieu charmant qui blelîè
tous les cœurs ? L'exemple des vrai-
ment belles à qui les attitudes avanta-
geufes de ces Métamorphofes ont encore
ajoutée une nouvelle beauté , a féduite
la moins aimable. Elle s'efl imaginée
fur U Peinture. vf
ies mêmes grâces dès qu'elle auroit les ,
mêmes ajuftemens. Elle n'a pas douté
que la jeunefïè d'Hebé la vengeroit des
iafultes du Tems le moins galant de le
plus impoli de tous les Dieux. Elle s'effc
aifément perfuadée que nôtre Sexe ,
toujours complaifant 3- forcé de voir
chez elle deux phifionomies y préfére-
roit celle de la Déefïè enfantine > à la
Divinité douairière y ou du moins qu'il
lui tiendroit compte de^jkr efforts , Se
du tems qu'elle perd tous les jours à
tâcher de lui reflèmbler. Après tout ,
eii-il une erreur plus pardonnable au
beau Sexe ? Si l'enfer des jolies femmes
c'eft la vieillerie ,. au fentiment d'un des
plus beaux efprits de la Cour de
Louis XIV.. (*) pourquoi les Arts, ,^ ^
& fur tout la Peinture , ne s'efforcera- Jqe P00
5 de la
t'elle pas de leur cacher le déclin d'un R°che=
état qui fait tout leur bonheur ? & de caulL
$6 Réflexions
leur éloigner, ou même leur dérober
entièrement , fi la chofe eft poflîble , k
vue de leur plus grand fupplice ?
Voici de quelle façon le goût de ces
traveftiflèmens divinifés s'allume fubi-
tement chez la plupart. Leur prompt
fuccès chez les jolies femmes frape
vivement, foit envie ou jaloufie, celles
qui le font peu. Elles s'informent avec
avidité du nom de l'auteur de la Mé-
tamorphofe. On vole chez lui. Il a peu
de peine à perfuader des miracles dont
on eft plus convaincu que lui-même,.
Il préfente la lifte de la Cour célefte.
On choiiit la divinité , on l'ébauche ,.
on la finit. Enfin elle fait ion entrée
dans le temple où elle doit être adorée ;
à peine arrivée , tout applaudit , tout
crie , c'eft vous-même , rien n'y man-
que que la parole. C'eft beaucoup.
Cette parole lui feroit fouvent néee£*
fur la Peinture. x?
faire pour dire 3 je fuis une telle. Enfin
l'extafe &£ le raviflèment finifïènt par
celui du Peintre qui s'en retourne célé-
bré y admiré , &c bien païé:
Au reffce , je ne crains point que
ceux d'aujourd'hui qui travaillent en
ce genre , me fafïènt un procès fur
quelques réflexions un peu égalées 3 &€
qu'elles dégoûtent le Public de leur
talent. Tant qu'ils auront l'art de fla-
ter leurs originaux 0 avec allez d'adreflè
pour les perfuader qu'ils ne les flatent
point y l'amour propre chez les deux
fèxes leur eft un garant allure d'un fuc-
cès confiant & d'une fortune au delïus
de la médiocre*
C'efl à ce dernier avantage qu'eft
due l'émulation > Ôc les productions -fur-
abondantes que nous voïons tous lei
jours en ce genre. Les Sieurs Nattier,
Tocqué >. la Tour K Aved 3 N-onnote ôs
%$ Referions
bien d'autres ( je ne parle point des
anciens dont la réputation eft faite )
nous confoleront peut-être des Ri-
gaud , Largillere , de Troye. On trou-
ve chez eux un pinceau agréable , de
la vie Se de la vérité dans les teintes
des chairs , une imitation fingulière des
étoffes de toute efpéce ; chez quelques-
uns une aflèz belle ordonnance, & de
la fience dans les couleurs locales & la
diftfibution des parties qui en compo*
fent les fonds, & les détails.
Le nombre des Peintres en Paltel eft
infini. Mais il efl bien à craindre que
la facilité & la célérité de fes fragiles-
craïons ne fafîènt négliger l'huile beau-
coup plus lente à la vérité , mais infi-
niment plus favante , & incomparable
pour la durée.
Après ce que je viens de remarque*
fur les obftacles au progrès de la- Peûw
fur U Peinture ï$
tm*e dans l'Ecole Françoife y foit par le
peu d'encouragement & de fortune
pour les beaux Arts , foit par le défaut
de Mécènes zélés ou intelligens , foit
enfin par les nouvelles décorations de
l'intérieur des bâtimens ., je ne vois
qu'une refïburce favorable à nos Pein-
tres Hiftoriens 3 & ce feroient les Ca-
binets merveilleux des Amateurs de ce
bel Art. Ce n'eft qu'à ces Curieux cé-
lèbres, ces magnifiques protecteurs du
bon goût , les fléaux ,du médiocre &
du frivole , que l'Hiftoire pourroit être
redevable du rétablifïèment de fbn hon-
neur & de fes progrès. Les Cabinets de
Meflîeurs de Julienne ., Blondel • de
Gagny, de la Boiiliere , & quelques
autres, leur marqueraient chez eux les
places les plus honorables. Leur choix
épuré des meilleurs ouvrages anciens ôc
modernes, les excellens morceaux 4^
50 Refexkns
fculpture en bronze Se en marbre ;
embellis par le brillant des pâtes de
Kiangfi &. de Drefde qui leur font afïb-
ciées, la tournure neuve Se recherchée
de leurs montures , l'ordonnance élé-
gante Se contraftée de chaque pièce ,
efpéce de diftribution qui exige pres-
que autant d'art Se de goût que le
choix même des pièces ; tout cela for-
me aux ïeux d'un connoiifeur délicat
Se févère un fpe&acle ravifïant. Ces
précieux Cabinets font compofés , Se
doivent l'être , de tous les genres de la
Peinture. Quoique l'abondance de ce-
lui de l'Hiftoire en dût faire le prix,
Se le mérite capital 3 l'aménité Se les
charmes d'un beau Païfage -, la fuavité,
k fraîcheur 3 Se la naïveté des Pinceaux
Flamands 3 leur magie dans les effets
d'une lumière violente ou réfléchie -,
fcéclat Se la ibuplefïè de leurs étoffes
parfaitement
fur U Peinture. $ï
parfaitement imitées \ le choix des la-
vantes portions dans leurs chevaux 8c
de leurs plus belles formes , tant d'a-
gréables parties doivent leur faire par-
donner la baflèfïè de leurs fujets la plu-
part groiliers , ignobles , fans penfées ,
Se fans intérêt. Enfin jufques aux Pein-
tres excellera dJanimaux > de fruits , 8c
de rieurs, qui efl: le genre le plus mé-
diocre , tous doivent entrer dans la
ftrudhire de ces petits Palais enchantés ,
û chers aujourd'hui aux beaux Arts
dont ils font Pazile , 8c en même tems
l'admiration des Etrangers 8c les déli-
ces des connoifïèurs qui habitent cette
Capitale.
Il y auroit encore un moïen bien
fupérieur à celui dont je viens de par-
ler, qui garantirent nôtre Ecole dJun
penchant prochain à fa ruine , 8c qui
feroit digne de la grandeur 8c de la
D
31 Reflexions
magnificence de nôtre Roi 5 le fouve-
rain d'une Nation dont le génie eft fi
heureux pour les beaux Arts , moïen
dont l'exécution illuftreroit à jamais
ceux à qui Sa Majefté fait l'honneur de
confier la potection qu'il leur accorde,
Se le foin de leur avancement. Ce
fêroit de faire conftruire une vafte Galle-
rie ou plufieurs contiguës , bien éclai-
rées y dans le fuperbe Château du Lou-
vre , ce Palais inhabité , quoique fi
digne de l'habitation de nos Monar-
ques 3 qui fait encore l'admiration des
Etrangers , & en même tems leur éton-
nement en le voïant abandonné , ôc fbn
mépris porté au point d'y lairtèr élever
aujourd'hui dans le milieu de fa cour,où
devroit être placée une Fontaine ifblée
en Baflinj fLm pour l'utilité publique
que pour la décoration qui en réfulte-
loit y Se qui permettroit à ceux qui en-
fur U Peinture. 33
tuent par une porte de voir celle qui
lui eft oppofée en fimmétrie pour en
fortir : de voir , dis - je , au milieu de
cette cour un bâtiment pour un parti-
culier à plufieurs étages , & en pierres de
taille, pour durer très- long -tems dç
mieux ôter à la Nation la vue de lJin-
térieur de ce Palais , après l'avoir déjà
privée de celle de l'extérieur par lJaf-
femblage indécent d'Ecuries , de Re-
mifès , d'Echopes , de Boutiques qui
afïîégent de deshonorent ce fuperbe
Edifice de tous les côtés, tant de ce-
lui des P. P. de l'Oratoire , que de la
Place du vieux Louvre , & de la fu-
perbe Façade qui regarde St. Germain
PAuxerrois. Cette infulte qui vient d'être
faite tout récemment à ce Palais , Se
qui n'eft pas encore achevée, afflige
de nouveau les bons citoïens , péné-
trés de voir la maifon de leur Roi defc
D ij
34 R/flexïons
honorée à fes propres frais 3 par ceux
mêmes dont le devoir de leurs Char-
ges quoique fubalternes , feroit d'em-
ploïer tout leur crédit pour arrêter des
abus aufïi hardis qui nous rendent l'ob-
jet des plaifanteries de l'Etranger Se du
Voïageur exadts à marquer dans leurs
Relations que la Capitale du plus beau
Roïaume eft la feule dans l'Europe où
le Palais du Souverain foit imparfait,
Se abandonné jufques à être découvert >
Se par -là expofé à une ruine totale*
Cependant le Public efpére beaucoup
du zèle Se de l'attention de Mon fleur
de Tournehem , aujourd'hui Directeur
Général des Bâtimens de Sa Majefté s
Se qu'il emploira toute fon autorité
pour relever l'honneur Se rétablir la
décence de celui qui eft fans contredit
le premier des Bâtimens roïaux , Se qui
par -là exige fes premiers foins. Les
fur la Peinture. 35
tems n'étant point aflèz heureux pour
penfer à une entreprife auiïi confidéra-
ble que celle de fon achèvement (quoi-
que il y eût cent moïens pour le faire
finir , fans qu'il en coûtât quoi que ce
foit à Sa Majefté ) Ce feroit une très-
petite dépenfe de le mettre en atten-
dant à lJabri des dépérifïèmens que la
pluïe y caufe journellement 3 Se de com-
mencer par en faire couvrir feulement
la plus belle & la plus précieufe par-
tie , celle qui regarde St. Germain.
Cette attention importante jointe à celle
d'arrêter toutes les indécences cho-
quantes qui l'environnent ^ Se d'empê-
cher l'élévation des grands Se petits
Bâtimens fur tout dans l'intérieur , qui
avilifïènt un Palais ref pectable à toute la
Nation. Ces attentions de la part de
Monfieur de Tournehem 11 dignes de la
place honorable que le Roi lui a con>
D iij
3 6 Réflexions
fiée, lui feront un nom éternel & lui
apureront Pefrime, la reconnoiflànce , &.
les cœurs de tous les honnêtes gens.
Le moïen que je propofe pour l'avan-
tage le plus prompt > 8t en même tem&
le plus efficace pour un rétabliflèment
durable de la Peinture, ce feroit donc
de choifir dans ce Palais ou quelqu'au-
tre part aux environs 3 un lieu propre
pour placer à demeure les innombrables
chefs-d'œuvre des plus grands Maîtres
de l'Europe , & d'un prix infini , qui
compofent le Cabinet des Tableaux de
Sa Majefté , entaMes aujourd'hui, Se
enfevelis dans de petites pièces mal éclai-
rées Se cachées dans la ville de Ver-
failles y Inconnus > ou indifférera à la
curiofité des Etrangers par l'impofli-
bilité de les voir (*). Une autre raifon
( * ) Ceft ainfî qu'exiftoit anciennement la
précieufe & immenfe Bibliothèque du Roi ,
jeuë YWienne dans de petites pièces , avao*
fur ta Peinture. $j
prenante pour leur donner un loge-
ment convenable 5 8c qui mérite une
attention bien férieufe , c'eft celle d'un
dépérifïèment prochain 8c inévitable par
le défaut d'air 8c d'expofition. Quel
feroit aujourd'hui le fort des Tableaux
admirables du Palais roïal y s'ils eufïènt
été entafTés pendant vingt ans dans l'obf.
curité , 8c dans l'impofïîbilité d'être vîn-
tes Ôc entretenus par le défaut d'eipace^
tels que le font depuis plus long-tems
ceux du Roi ? Mais le Prince Régent
qui en avok fait le magnifique alïèm-
blage avec des foins incroïables 8c trans-
porter des Païs très -éloignés avec les
précautions que méritoient l'excellence
de leur choix , 8c leur grand prix > n'a-
voit garde d'enfouir ce thréfor & le
que Monfîeur TAbbé Eignon , dont le nom
fera éternellement cher à; la Nation & célèbre
parmi les Savans , eût fait contraire le fuperbe
Bâtiment où elk cft logée au jowà'liui ruëRfc»
ehe-Iieu.
3 8 Referions
laiflèr dans la poufïière. Ce grand
Prince dont le génie embrafïoit tout,
né avec l'amour des beaux Arts, de
très-convaincu que leur perfection dans
un Etat avec celle des Lettres, eft la
preuve la plus fenfible de fa grandeur
& de fa fupériorité , leur accordoit les
plus doux de fes loifirs ; mais il faifoit
fes plus chères délices de la Peinture ,
celui de tous le plus enchanteur. Il en
avoit étudié de bonne heure toutes les
beautés , & s'étoit fait révéler fes mif-
tères les plus fecrets par un Peintre ha-
(*) M. bile; (*) ces mêmes mains qui avoiem
cueillis tant de lauriers , ne dédaignè-
rent pas de manier les Pinceaux & les
craïons , afin de faifîr toute la finefTe
du plus noble des amufemens. Ceft
uniquement à l'étendue de (es lu-
mières , & à la fupériorité de fon
goût que la France eft redevable des
fur U Peinture, $$
chefs- d'œuvres auxquels il a donné un
azile fî honorable dans fbn Palais , Se qui
lui a fait une réputation égale à celle
des Cabinets les plus renommés de
l'Europe. Ce fut pour les éclairer par
les jours les plus favorables > qu'il fît
ajouter à fes appartenons -ce magnifi-
que Sallon où la lumière eft prife d'en
haut par des vitraux de grandes glaces*
Si François I. s'eft immortalife pour
avoir appelle chez lui les beaux Arts*
& principalement la Peinture, la Na-
tion aura l'éternelle obligation à Phi-
lippe de France d'avoir raiïèmblé Se
logé fuperbement dans fa Capitale le
plus grand nombre des merveilles en
cet Art vifitées par tous les curieux de
l'Europe , ôc honorées des plus grands
éloges dans les païs étrangers. Quelle
Ecole pour la Peinture que ces riches
cabinets ouverts à tout le monde avec
40 Réflexions
une facilité digne de la grandeur du
Prince, où l'on s'inftruit de toutes les
manières , & de tous les âges de la
Peinture ! Si les Tableaux de Sa Ma-
jefté furpafTent ceux-ci en nombre de
en valeur , comme on le dit fans pou-
voir l'alTûrer , n'y aïant jamais eu de
Catalogue public , quelle perte pour les
talens de nôtre Nation que leur empri-
fonnement i avec quelle farisfa&ion les
curieux & les étrangers les verroient en
liberté , expofés dans une habitation
convenable à âts ouvrages dont la plus
grande partie eft fans prix ! Telle feroit
la Gallerie roïale que l'on vient de
propofer , bâtie exprès dans le Louvre ,
où toutes ces richeilès immenfes & igno-
rées feraient rangées dans un bel ordre ,
&c entretenues dans le meilleur état par
les foins d'un Artifte intelligent , ôc
chargé de veiller avec attention à leur
fur la Peinture. 4*
parfaite confervation. Par - là 3 ils fe-
roient préfervés de tomber dans la
honteufe deftrudHon de ceux du Palais
du Luxembourg , le triomphe de la Pein-
ture , & dont la poiïèfïion nous eft en-
viée par tous les Etrangers qui donne-
raient des fommes immenfes pour avoir
chez eux ces ouvrages divins & qui font
le plus d'honneur au Pinceau de Hm-
mortel Rubens. Ils font cependant du
côté de la Cour dans cette Gallerie fi
eftimable prefque détruits par la négli-
gence criminelle des Concierges qui
ouvrent tous les volets Se les vitraux des
croifées dans les jours les plus brûlans ,
& laiflènt dévorer à l'ardeur du Soleil
depuis le midi jufqu'à ce quJil foit en-
tièrement couché y ces Tableaux pré-
cieux , ces beautés que toutes les riche£
fes des Souverains ne pourroient au-
jourd'hui remplacer. Ce fut à Anvers
4i Réflexions
que j'appris ce dommage irréparable ,
Se qui continue , par un fameux Cu-
rieux de cette Ville nommé Monfieur
Van-haggen , qui fut frapé de l'in-
différence de nôtre Nation pour ce
qu'elle a de plus rare Se d'un ' plus
grand prix en ce genre , fans en excep-
ter aucun ouvrage dans nos maifons
roïales. Il me fit encore part de la dou-
leur qu'il eut dans les jardins de Ver-
failles , lorfqu'ii y vit nos plus belles
Statues , Se fur tout les deux incom-
parables du célèbre Puget , le Milon ,
Se l'Andromède égales aux plus parfai-
tes de l'Antique , Se même fupérieures ,
au jugement de plufieurs habiles Sculp-
teurs Italiens , Se qui mériteroient bien
mieux l'honneur d'être dans les appar-
temens à l'abri de la gelée Se des outra-
ges de l'air , que celles qu'on y con-
ferve fi précieufement, qui n'ont d'autre
titre
fur U Teinture. 4$
titre de vénération que leur extrême
vieillefïè ôc d'être venues d'un païs
très-éloigné. Lorfqu'il les vit, dis -je,
écurer comme un chaudron avec le plus
gros fable , & en enlever non - feule-
ment le poli , mais encore ( ce qui en:
irréparable ) cette peau , ce précieux
épiderme , où les Tameaux des veines ,
f itnihahiPtt
&c toute la finefïè de ce- favaiafacifcrru fe
faifoient admirer. Il fe rappella les tems
malheureux où les Barbares vinrent
fondre dans les gaules , & détruire nos
temples , nos édifices , nos ftatuës , en
voïant nos mains, nos propres mains
diffamer les traces du favant cifeau du
Puget qui donnoit le mouvement Se la
respiration à la matière , & favoit la
faire fourfrir de fe plaindre. Le Sieur
le Moine le Fils excellent Sculpteur,
lorfqu'il travailloit à Verfailles, mJa
parlé plus d'une Fois avec douleur, d$
E
44 Réflexions
celle que lui caufoit ce barbare fpec-
tacle.
L'intérêt pour la gloire de nôtre
JSÏation par la confervation des beau-
tés rares qu'elle poiïède, m'a un peu
écarté de mon fujet. Je reviens donc
aux avantages de ce dernier moïen que
j'ai propofé en faveur de la Peinture.
Quel motif . d'émulation feroit plus
piquant pour nos Peintres dJà prélent >
que l'honneur d'obtenir des places dans
cette Gallerie roïale à coté de tant
d'hommes illuftres de tous les païs 6c
fur tout de l'Italie , qui compofent
l'immenfe «Se lavante colle&ion des Ta-
bleaux des Cabinets du Roi ? Honneur
d'autant plus flateur , qu'il ne feroit
accordé ni à la brigue , ni à la protec-
tion des Grands , ni aux caprices des
Directeurs fu.balternes > ni à l'éclat pafïà-
ger des frivoles beautés de la mode qui
fur U Peinture. 4j
excitent tous les jours les cris d'admi-
ration des Petits - maîtres des deux
fexes 3 6c fur tout du plus aimable dont
l'empire s'étend aujourd'hui iur tous
les ouvrages. Ces petits juges fubal-
ternes, ces prodigues diilributeurs d'une
immortalité hebdomadaire à nos enlu-
mineurs d'Eitampes , n'auroient point
de voix pour leur ouvrir l'entrée de ce
Sanctuaire. Ce feroit au titre feul d'une
réputation décidée 3 Se appuïée fur pla-
ceurs excellens ouvrages marqués au
fceau d'un furrrage général 8c de l'ad-
miration publique que cette précieufe
diitin&ion feroit accordée.
Mais il eft tems de finir des réfle-
xions peut-être trop étendues , ôc de
parler à l'examen qu'on s'eit. propofé.
Pour le faire avec quelque ordre ,
il faut commencer par les premiers ou-
vrages en ce genre, les Hiftoriens facrés,
Eij
4^ Reflexions
& ceux que l'on appelle Tableaux cta
dévotion.
Celui qui a la place du Sallon la plus
avantageufe > & qui fe préfente le pre-
mier, eft du iieur Carie Vanlo fait
pour l'Eglife des petits Pères de la
Place des Victoires où il a déjà été
pendant plufieurs mois au fond de
ïj. p. leur chœur. Ce Tableau repréfente
«le haut
furj.de Louis XIII. fanant hommage a la
large.
Vierge de la Victoire qu'il a remporté
fur les Hérétiques par la prife de la
Rochelle. L'ordonnance en eft belle de
judicieufe. La compofîtion iimple &
point chargée d'épifodes fuperflus. On
defireroit feulement dans le caractère
de la Vierge plus de nobleflè 3 &: un
choix plus heureux. L'enfant Jefus eft
d'un goût de defïèin Se d'un pinceau
[ec de négligé , de ne répond point aux
autres beautés , non plus que l'air de
fur U Teinture 47
tête 3 8c la figure de lJAnge vis-à-vis
dont l'attitude eft froide 8c l'idée très-
médiocre. Mais les principales figures
ont de rares beautés. Celle de Louis
XIII. eft d'un grand caractère , beau-
coup de bienféance 8c de dignité dans
ibn action qui rend parfaitement le
fujet. Il y a une vérité admirable dans
la tête 8c toute la figure de celui qui
préfente les clefs de la ville. Celle
du Religieux qui eft derrière eft
éclairée par de favans reflets. Les Dra-
peries , 8c tous les détails des figures
de ce beau groupe , font faites d'une
grande manière qui eft propre à l'Au-
teur , 8c que l'on peut appeller lumi-
neufe. Il pourroit cependant y avoir un
peu plus d'harmonie dans l'enfemble,
8c plus d'accord dans fes dirTérens tons
qui papillotent un peu à la vue* 8c
l'œil y deiîrerok plus de repos $c
2 ■£ Hi
4-3 Ref exions
d'union» Ce défaut eft fouvent celui
des grands Tableaux dont la vafte mé-
canique demande une intelligence d'ha-
bitude afTez grande pour en embraflèr
toutes les parties > & y mettre cet uniflbn
qui fait le charme de l'œil connoiflèur
êc le principal mérite de l'ouvrage,
Combien de Peintres d'une grande
réputation dans les Tableaux moïens >
ont échoués dans ceux d'une certaine
étendue ? Le grand Tableau demande
une étude particulière & la iience en
en eft longue à acquérir. Toutes les
fautes , & fur tout celles dans la partie
du deflèm étant beaucoup plus fen/i<-
blés. Au refte , la correction dans celle-
ci eft parfaite , & dans un grand goût ,
& toute l'exécution dans une manière
grande Se élevée.
La forme étroite & irrégulière des
jrois autres Tableaux du même Auteur
fur U Peinture. 49
l'a beaucoup gêné , &c demande de
l'indulgence pour fa compofîtion. Rieiï
ne l'obligeoit cependant dans celui de
la Vifitation de la Vierge , de déploïer iz.pi
le battant énorme d'une porte grofïîère
à côté de fes deux principales figures.
L'idée n'en eft pas noble , ni l'effet
heureux , puifqu'il appauvrit fa compo-
fîtion. Quelques perfonnes n'ont pas
trouvée fainte Elizabeth afïèz âgée eu
égard à la Vierge. L'Ecriture dit qu'elle
étoit dans fa vieillerie. La draperie
bleue de la Vierge eft un peu pe-
lante & n'eft point terminée dans le
vrai. L'on n'a pas été entièrement fa*
tisfait des teintes dans les vifages des
Vierges de ces trois Tableaux ■> elles ont
tant foit peu de lividité , 8c fur tout
celle de la Préfentation à laquelle on 14, p.
auroit demandé plus de noblefïè, & fur 6. de
d'expreffion de piété, La tête du fainç *ï&k
jo Ref exions
Vieillard Simeon > Ton cara&ère , fa
draperie , enfin toute fa figure , Se celle
de fon acolite , font d'une force de
couleurs , Se d'une vérité d'expreffion
qui peut être comparée à ce qu'il y a de
plus parfait.
h. p. Dans le Tableau de l'Annonciation
fur 6. de du même Auteur , l'attitude de la
Vierge 3 le beau caractère de fa tête
plein de noblefïè & de dignité , l'ex-
preffion que l'on y voit de fainteté Se
d'une profonde humilité , ont fatisfait
tous les connoifïèurs. Sa draperie, quoi-
que les plis en foient jettes dans le
grand , eft encore un : peu pefante ;
l'attitude de l'Ange n'a pas été géné-
ralement approuvée. Plufieurs ont blâ-
mée fa pofition trop perpendiculaire , Se
la figure point afïèz fvelte Se aérienne.
La gènt de la forme du Tableau pour-
voit un peu exeufer l'Auteur fur le dé-
fur la Teinture. ji
faut de fon attitude. Pour celui de fa
pefanteur , qui eft commun à bien des
Peintres dans la représentation de ces
fubftances incorporelles, ce qui l'aug-
mente dans celle-ci , c'eft Vegces de {a
draperie énorme & fans aucun mouve~
ment. Cependant , tout bien examiné *
ce tableau fait honneur à fon Auteur
qui l'a traité dans la grande manière
du Baroche, & du Lanrranc> & tout
aufïi bien colorié.
Dans le milieu de la face oppoféer
aux croifées.» on voit un autre grand
tableau dont le fujet eft tiré des
actes des Apôtres. Ç'eft la punition
d'Herode Roi de la Judée, frappé de
Dieu pour s'être attribué des honneurs
divins. Ce fujet eft d'un très - beau
choix , fufceptible d'action Se d'intérêt.
La compoiîtion en eft aflèz bien pen-
fée , 6c il y a beaucoup de feu &
j z Réflexions
de génie dans l'exécution. L'attitu-
de d'Herode, & le renverfement de
fès traits portent aux ïeux du fpectateur
une image afïèz vraïe d'un violent dé-
fefpoir. Les Acteurs épifodiques font
d'un bon ton fans avoir un caractère
intérefïànt ni remarquable. Ce tableau
a fatisfait les ïeux du Public , 8c des
connoiilèurs dont il a reçu beaucoup
d'éloges , & il les mérite. Quelques-uns
y ont defiré plus d'élévation dans le
ton de la couleur générale & locale 3
qui n'eil: pas brillant , Se de plus gran-
des malles de lumières. L'Ecole Fran-
çoife a lieu d'efperer de recouvrer Ton
ancienne vigueur dans l'Hiftoire , par
les talens du fieur Pierre auteur de ce
tableau y & qui marche à pas de géant
7# Pi dans fa carrière. Les Pèlerins d'Emmaiis
far^dc tableau en hauteur placé vis-à-vis le
gc# vceu de Louis XIII. eft encore de
fur U Peinture. 53
lui. Il y a de la couleur ëc d'un afïèz
bon ton : la composition n'a rien de
remarquable , non plus que celle du
grand tableau placé à côté de celui
d'Herode du fleur Jeaurat qui repré- 13. p.
fente le boiteux à la porte du Temple fur 9.
guéri par faint Pierre. Chaque figure
prife à part , eft bien traitée , conve-
nable au fujet 3 d'un bon caractère y ôc
d'un defïèin correct, fans que le total
{oit intérefïant par aucune nouveauté
qui le faflè afïèz différer de la façon
dont ce même fujet a été imaginé par
plufieurs bons Peintres dans des Eglifes
de cette Ville.
On voit encore dans le rang d'en
haut quelques Tableaux de piété en
hauteur d'une figure feule qui ont de la
beauté &c ont arrêtés les regards des
curieux. Celui de St, Charles Borromée 8. p.
d\x fieur Reftout a été extrêmement f«r 5.
/4 Réflexions
goûté. L'attitude de la figure a de
l'a&ion , ôc l'air de tête un caractère
de piété intéreflânte : la draperie vraie
& favante.
Celui de faint Pierre Ton pendant
du même Auteur , quoique dans une
arTez grande manière , n'a pas eu tant
de partifans par le défaut de la pofi-
tion de la figure qui eft dans le goût
d'un Héros de Théâtre campé d'un air
cavalier fur la fcêne , plutôt que d'un
Apôtre pénitent , humilié , Ôc près de
fournir le martîre dont il tient l'inftru-
ment. L'idée de celui de faint Benoîc
par le même , le premier de ce rang
au defîiis de Pefcalier , eft aflez médio-
cre auili-bien que l'exécution. On a
trouvé les teintes des nuages de la gloire
d'un ton rougeâtre violent , ôc faifanç
de haut diflonnance avec celles du Tableau.
large. Le Baptême de St. Jean de même
grandeut
fur la Peinture. 5/
grandeur du fleur Halle , quoique d'un
defïèin très -correct, & même un peu
trop prononcé , d'un afïèz bon ton de
couleur , n'a rien de neuf dans fa com-
pofîtion qui eft bonne , mais triviale.
On voit aux -côtés du vœu de Louis 9. p.
de haut
XIII. deux grands Tableaux ovales fur 7.
du Sieur Coypel. L'un eft une Annon-
ciation dont la composition eft Singu-
lière : l'autre repréfènte les Pèlerins
d'Emmaiis qui a des beautés remar-
quables. Il y a encore dans le rang au
-deflbus deux Tableaux de piété du mê-
me Auteur. L'un en Paftel , & c'eft la
Samaritaine avec Jefus-Chrift , & l'au-
tre à l'huile le facrifice d'Abraham. Je
n'entrerai dans aucun détail fur les
beautés des ouvrages de ce Peintre. La
grande réputation que lui ont fait de-
puis fi long-tems fes productions plei-
nes d'efprit en, toute forte de genres,
F
<$& Repxîom
Se fur tout dans celui de piété , me
difpenfe d'un examen particulier qui
auroit trop d'étendue. On trouve tou-
jours dans Tes tableaux des moeurs &
de la décence > avec des réflexions
pleines d'efprit. Ce dernier talent fi
intéreflànt pour le fpe&atc.ur délicat^
brille avec fîneue dans -un petit Ta-
bleau de lui placé dans le rang d'en
bas , même côté des ovales. C'eft le
Dieu de l'Amour , figure feule de la
hauteur de trois pieds en face du fpec-
tateur qu'il menace de la main. L'Au-
teur a fu faire un mélange adroit dans
fa phifionomie des deux caractères qui
lui font propres , la naïveté & la dou-
ceur apparente 3 avec la malignité ôc
la perfidie. Idée auili difficile dans
l'exécution , qu'elle eft vraïe & ingé-
nieufè. Quoique l'on n'y puiflè rien
r£mhaiter du côté de l'eiprit ^ on ya
fur ta Teinture, $*$
defîré un plus beau choix dans î'air de
tête qui efl: un peu ignoble , fans ex-
prefïîon de Divinité, de Fans beauté
pour repréfenter le plus beau de tous
îes Dieux. Ses chairs ne font point d'uiï
beau ton de couleur °y on n'y voit point
œ fang > cette vie que l'on admiré dan&
fês beaux Paflrels qui font l'ornemenc
des Cabinets 3 & fur tout de celui d'un
de nos plus favans connoifîèurs Mon-
teur Mariette. La draperie de ce Dieu
qui devroit être extrêmement vague y
légère , & badine , eft ici nouée pe«*-
fâmment en forme de ceinture , ôc ne
Êiit ni légèreté ni agrément à la fi-
gure.
On voit à peu de diftance de ce
dernier Tableau deux autres du même
Auteur. Ce font les deux buftes des
Philofophes Heraclite & Démocrite, On
a trouvé du vrai dans Texprefïîon de
Fi]
j$ Réflexions
ces caractères fi oppofés ; mais un vra±
un peu forcé , recherché , & qui fenc
le travail. Leur extrême décrépitude
fans néceflîté , fait un peu de tort à l'a--
grément de la vérité dans l'exprefïîon.
Je pafïè aux grands fujets de l'Hit
toire profane & de la Fable , & je
commence dans le rang d'en haut du
côté de l'efcalier , par les deux Ta-
bleaux du fieur Parrocel dont la gran-
deur immenfè de dix-fept pieds fur
onze , n'a point encore de proportion
avec celle de fon génie. L'un repré-
fente l'entrée de l'Ambafïàdeur Turc par
le pont des Tuilleries > & l'autre de mê-
me grandeur , fa fortie par le même
lieu. Quelle foule de beautés dans cette
vafte compofition ! Quelle fuperbe or-
donnance ! Quelle fience dans les dé-
tails prodigieux d'un tel fujet! Diftri-
bution admirable des Groupes 5 fécondi*
fur U Peinture. s 9
ré furprenante dans l'art de les varier ,
êc de leurs contraires : vérité & fierté
dans les caractères oppofés des Na-
tions , Turcs i Suifïès , François. Re-
cherche exaéfce ôc fcrupuleufe dans leurs
habillemens. Etude laborieufe & fa-
vante des plus belles polîtions des che-
vaux^ de leur action , avec une imi-
ration parfaite de la richerTe , 6c du
travail de leurs couvertures en or , en
perles y & en pierres précieufes. La
plus haute intelligence de la perfpec-
tive pour la poiition de cette multi-
tude innombrable, tant fur les plans
avancés , que fur ceux de derrière > &
les plus éloignés. Enfin une harmonie
enchanterefTè qui réfulte de la variété
des tons & de leur accord : harmonie
qui lie ce grand tout, ce vaite enfem-
ble, & qui met l'œil dans un plein
repos , où il ne defire rien , où il jouît
F iij
60 Réflexions
de tout > où il admire tout. Quelle
gloire pour l'Ecole Françoife de poflè-
der encore un homme 11 excellent en
ce genre qui embraflè prefque tous les
genres !
Parmi les grands Tableaux du rang
le plus fupérieur , il y en a encore un
du fleur Pierre qui n'a pas attiré une
médiocre attention par le terrible du
Sujet fufceptible de force & d'une vio-
lente expreiTion. Il eft pris dans la Fa-
ble , & repréfente Medée qui poignar-
de un de fes enfans. L'horreur de ce
parricide eft très -bien rendu par te
caractère d'atrocité peint fur les traits
de cettte barbare Grecque , & par l'ac-
tion de fbn bras armé d'un poignard
dégoûtant du fang de fon fils qu'elle
tient , de qu'elle a déjà frapé. Mais on-
a fouhaité dans ce tableau une compo-
sition plus heureufè. La portion da
fur ta Peinture, &«
Perrfant , non plus que celle du char r
n'eft ni vrai-femblable , ni avantageufè;
Les Dragons qui doivent le tirer pen-
dant cette action, & dont on ne vois
que les têtes , font d'un goût afïèz mé-
diocre. L'embrafement du Palais de
Jafon dont il ne paroît qu'une partie
hors de toute perfpective , eft dans un
ton équivoque & difïbnant. Le Public
n'a pu comparer cet ouvrage avec ce»
lui du tableau d'Hérode pour qui il. a
été aufïi prodigue d'admiration & d'é-
loges j> qu'il en a été- avare pour Medée,
C'eft une leçon importante aux jeunes
Peintres qui ont avec de grands talens
une réputation commencée, &c qui at
pirent à celle du premier ordre T de ne
point hazarder en public d'ouvrages
négligée, foit dans le plan, foit dan3
l'exécution. Rien n'eft plus capable de
les arrêter dans la route de la gloire >
&z Ref exions
que ces reproches d'inégalité , de négli»
gence, ou de précipitation.
On voit encore du même Auteur
dans le rang d'en haut, le dernier de
4- p. la face qui regarde l'entrée , un portrait
de profil & en tableau d'une aflèz jolie
perfonne déguifée fous les habits dé-
goûtans de ces falopes qui montrent
dans Paris la Lanterne magique ou des
marmotes. J'ai été charmé de voir là
plus noble partie du Public & la plus
fenfée rejetter l'emblème en admirant
l'ouvrage qui a de vraies beautés , &
d'un naïf original & féduifant. Ce goût
bas & dépravé de fe faire peindre en
Moine , en Sœur grife , en Quinze-
vingt , en Ramoneur .> a commencé
chez quelques perfonnes du premier
ordre , que cette plaifanterie avoir
amufé un moment. La Bourgeoife de
Paris fuxgr -éternel de la Cour fans pou-
fur U Teinture. 6$
voir îui reflèmbler qu'en ridicule , a?
fàiiî avec avidité cette mode, comme
toutes celles qu'elle imagine fotement
lui pouvoir donner quelque air de con-
dition.
Le Public, à qui les tableaux du
Sieur Pierre plaifent extrêmement , lui:
confeille fort d'abandonner fbn talent
affèz médiocre pour les Bambochades x
ouvrages indignes d'un homme dont
le Génie eft afïèr élevé pour concevoir
& exécuter le tableau d'Hérode ; c'eft
le facdeScapin vis-à-vis le Mi(ànthropey
c'eft l'Auteur du Cid & de Rodogune
qui donnerait des Parades à la Foires-
Ces fortes de goûts fubalternes , des-
honorent fouvent les bons génies par
les molles complaifances qu'ils ont pour-
des amis d'un certain genre adorateurs
de ces efpèces de productions , & qui
penfent comme le peuple uniquement
#4 Réflexions
fenfible aux repréfentations des Sujets
qui lui font familiers. Il eft important
à un Peintre , qui afpire par le talent;
de l'Hiftoire aux rangs les plus élevés,
de rechercher les gens d'efprit, ôc les-
amateurs de la bonne compagnie. Le
caractère de bienféance & de nobleflè
qui s'en répandra fur tous Tes ouvra-
ges , ajoutera beaucoup à leur prix , ÔC
contribuera le plus à les rendre les dé-
lices des honnêtes gens. Leurs auteurs ;
me répondront qu'ils ne regardent ces
fortes de peintures que comme les dé-
laflèmens de leurs grands ouvrages , &.
un amufement qui ne leur coûte aucune*
peine d'efprit > ôc moi , je leur déclare
qu'ils remperont toujours dans la mé-
diocrité s'ils n'en ufent à l'égard de ces
productions comme un galant homme
qui fait de mauvais vers pour s'amu>-
£er> Se qui fè garde bien de les pu*
fur ta Peinture. &£
t>lier. Ils ne me perfuaderont point que
l'on puifïè atteindre à une manière ori-
ginale de à un ftile neuf en ce genre,
m dans aucun autre en fe jouant , &
iàns une forte application ; fans des
itudes d'après les fîngularités de la na-
ture. Enfin fans des recherches médi-
tées 8c beaucoup exercées , il tombera
-dans la vile multitude des Peintres de
..ce genre xjui inondent les Cabinets
bourgeois de nos petits curieux dont ils
'font les délices*
D'ailleurs les loifîrs d'un grand Pein-
.ire d'Hiftoire font rares & précieux*
Après avoir rempli ce qu'il doit à fà
religion , à fa famille , à Ces amis , à
*la fociété dont il ne doit jamais ledit
penfer , quel tems pourra-t'il prendre
-pour divertiflèment des grandes occu-
pations de fa profeûîon , s'il emploie
ie peu qui lui reile a .travailler à <Je
66 Refexhns
nouveaux tableaux ? Veut-il fa voir queïs
font les délafïèmens d'un Peintre HiC-
torien? C'eft de lire & d'étudier nos
meilleurs livres d'Hiftoire : d'y démê-
ler les.fujets non-feulement intéreffans
Se pitcorefques , mais encore finguliers ,
& hors des i entiers battus. C'eft d'en
jetter tout de fuite les idées fur le papier
dans leur premier feu , de crainte qu'el-
les ne fe refroidirent en y revenant,
comme l'ont pratiqué tous nos grands
Poètes & nos Ecrivains célèbres. C'eft,
de faire la revue des defïèins où il
aura copié les morceaux de nos grands
Maîtres qui l'ont frapé : ou bien de
repaflfer dans fes eflampes les merveil-
les des excellens Peintres anciens 8c mo-
dernes ; de méditer profondément fur
leurs beautés j de s'efforcer de décou-
vrir la fource qui les a produites , le
germe qui a enfanté chez eux cette
vie?
fur la Peinture. 67
-yiCr* cette chaleur d'expreffion , cette
rare intelligence , cette élévation d'idées
fûblimes dans leur compofîtion que
Ton admiré. Dans fes loifîrs il aura
encore à étudier la partie du Coftume,
qui eft la religion , les mœurs , les ha-
billemens , les bâtimens , les Sites > les
arbres même de chaque païs,. de cha-
que nation, & fur tout de celle qui
fait le fujetdu Tableau auquel il tra*
vaille.
Voilà les routes qui ont menés les
Raphaël, les Poufïîn, les Rubens , les
le Brun Ôc quelques autres fur le fom-
metde cette montagne efearpée où eft
placé le temple de l'immortalité.
La Peine arrache feule aux Parque*
leurs ciseaux,
Et les avares Dieux vendent uut
aux Travaux.
68 Réflexions
Dans le grand Tableau du Sr. Oudri
d'onze pieds fur huit , qui repréfente
la chaflè d'un loup forcé par des chiens
étrangers qui appartiennent au Roi ,
tout eft à remarquer. I/aéHon de ces
animaux & l'expreflion eftraïante de
leur fureur , n'efi: pas moins admirable
que l'art de fon pinceau dans les tou-
ches fermes de féroces de leurs têtes,
ôc de leurs grands poils iîngulicrs Se hé-
rifles , & que la correction du deilèin
dans des positions momentanées , &C
difficiles à faifir.
On voit encore un Tableau du mê-
me auteur , & dans le même genre
dans la partie du Sallon fur Pefcalier.
C'eft une chafïè au loup cervier qui
n'eft au delïôus du précédent que par
la grandeur.
Il efb rare qu'un Peintre , comme
un auteur excelle en plufîeurs genres.
fur U Peinture, 6$
La vie fuffit à peine aux études Se aux
îaborieufes veilles que demande une
grande fupériorité dans un feul. Ce*-
pendant le Public n5a point encore dé-
cidé û les Tableaux de Chaflè & d'Ani-
maux, que le iîeurOudri fèmble avoir
portés à leur perfection, font fort au
defïus de fes Païfages. Le grand nom-
bre de ceux qu'il a peint pour le Roi,
& pour plufieurs particuliers , lui a
fait un nom célèbre dans ce dernier
talent. Il a préféré en ce genre le ftile
ferme ôc vigoureux qui eft le plus pï*
quant , au ftile vague , moelleux & au
grand fini. Les trois Tableaux que
nous voïons ici de fon pinceau fem-
blent encore furpaftèr ceux des années
précédentes. Rien n'eft plus heureux
que le choix de fes Sites, On diroit que
la nature voile fès charmes aux regards
des autres pour les déveloper aux ûens*
Gij
7© Réflexions
Elle s'y montre .parée lie fes beautés
naïves & rurales mille fois plus en*
chanterefïès , & plus analogues à nos
goûts naturels, que celles des Palais
des Rois. On apperçoit ; on fent pref-
que une fraîcheur réelle fous l'épaifleur
ôc la verdeur de fes groupes d'arbres
dont le feuille eft admirable , & dont
il fait varier les formes , les touches , &
les tons avec un art infini. Ce frais fe
montre encore à la faveur de fes eaux
fi bien diftribuées , les unes tranquilles,
les autres en mouvement ; fon habile
pinceau fait faire beauté de tout : ici
un pont ruiné , là un moulin, plus
loin une chaumière & des mafures
ajoutent aux Sites familiers un Pitto-
refque enchanteur , & forment de fî
aimables afpedts que la Nature femble
s'être arrangée pour le charme de [o&
comportions.
fur ta Peinturee 71
Ce feroit trop d'ennui, fi j'entre-
prenois d'examiner en particulier le
grand nombre des Tableaux qui font
expofés cette année au Sallon dans un
très-bel ordre, ôc avec une fîmmétrie
agréable ôc difficile parmi tant de for-
mes différentes. La tapiflèrie verte dont
Môniieiïr de Tournehem , Directeur
Général des Arts ôc Bâtimens de Sa
Majefté , a fait revêtir les murs du
Sallon avant d'y attacher les Tableaux,
leur eft extrêmement avantageufe , ÔC
cette attention de fa part également
favorable aux Peintres ôc aux fpe&a-
teurs, a été remarquée du Public avec
plaifir , ôc a eu fes éloges ôc, fa récon-
noiflànce.
Pefpére que les Peintres célèbres dont
la réputation eft ancienne ôc décidée *
tels que Meilleurs Galloche , Çourtin^
Peflyen, du Mons^ Boifot , Huilliot*
Giij
7* Fixions
le Bel, Poitreau «Se quelques autres me
pardonneront <ie ne pas parler de tous
leurs Tableaux expofés. Ce feroit répé-
ter les louanges que leurs ouvrages ont
; les années précédentes , & entre
autres le heur Favannes qui , étant plus
qu'octogénaire , ne laine pas de faire
encore des chofes agréables , & qui ne
font pas fort au deflbus de Ton an-
cienne réputation. Ses Païfages ont un
coup d'œil extrêmement riant par le
frais 5c la verdeur de fes arbres touchés
clans une manière tendre ôc moè'lleufe ;
Tes horifons fereins & clairs \ fes ciels
:ms } fouvent an peu trop bleus ',
(es Eaux d'une limpidité céiefte , enfin
le choix de fes Sites toujours agréable
(ans être lingulier. Il y en a quatre
dans le milieu du Sallon vis-à-vis des
croifées peints d'après nature 3 qui font
d'une vérité charraame > fur toux les
fur U Peinture . f%
deux petits. U ef: malheureux pour les
curieux eue les plus beaux ouvrages ce
ce Peintre foie;:: éloignés ce Paris.
Ce!: au château de Chantelou à un
quart ce lieue cJAmboue bâti par feu
Monneur c'Aubigni , que cet habile
Peintre a déploie toute fa f snce en ce
bel Art dans la grande gallerie. Il y a
reprefente toutes les cérémonies e"c la
pompe iuperbe du premier mariage ce
Philippe V. Roi d'E magne ; Mon-
iteur d'Aubigni avoir ete envoie dans
cette Cour fous Louis XIY. & y
a voit fait un long féjour. Il y a deux
Salions aux extrémités de cc::c gallerie
comme a celle de Yerïaiiies. La fable
de Phaeton rai: le fujet de ces belles
Peintures. On v voit ion arrive e dans
le Palais du Soleil , fa demande im-
prudente à ion père } la conduite de
£bn chai; td&oi & Ici cris if s hâbi»
74 Ref exions
tans de la terre & des eaux à l'appro-
che d'un embrafement général ; la puni-
tion de Ta témérité , & enfin fon fu-
perbe tombeau élevé par Tes fœurs.
Toute la magnifique Chapelle de ce châ-
teau eft encore peinte de fa main. L'on
peut dire avec vérité que les beautés de
ces ouvrages font en très - grand nom-
bre , Se feroient admirées à Verfailles.
Je reviens aux principaux Tableaux
dHiftoire félon l'ordre de leur grandeur
& de leur pofition.
Dans le fond du Sallon du côté de
Pefcalier , on en voit deux grands pour
des defïus de portes de forme figurée >
que les ouvriers appellent impropre-
ment chantournée. Ces deux Tableaux
qui font Pendants , & deftinés pour le
Cabinet des Médailles à la Bibliothè-
que du Roi , font du fieur Boucher
qui a de la réputation > & repréfen*
fur la Peinture. y$
tent l'Eloquence 8c î'Aftronomie. LJor-
dorïnance en eft agréable , les drape-
ries recherchées & légères , leurs tons
variés & aflèz bien contraftés. Il fèroit
cependant aflëz difficile de deviner l'Elo-
quence par la phi/îonomie de la figure
qui la repréfente,- 8c qui eft extrême-
ment froide 8c fans caractère. Quel
feu ! Quelle véhémence nous doit rra-
per dans les traits qui annoncent cet
Art Ci puifïànt qui foûmet les efprits,
& maîtrife à fon gré toutes nos pafïions;?
On deiîreroit dans fes chairs un coloris
plus fort 8c plus vigoureux : darts fês
airs de têtes plus de noblelïè 8c d'ex-
preffion , fur tout dans ceux de Ces Vier-
ges , & qui euflènt quelque rapport par
la dignité 8c la décence à celles de Ra-
phaël, des Carraches, du Guide, de
Carie Marate, de le Brun , Pouiïîn , &
Mignard &c. qui font toutes d'un carac-
y 6 Réflexions
tère noble & dévot fans fe refTembler.
On lui demanderoit encore un peu plus
de vérité & de naturel dans fes attitu-
des , fur tout celles des Enfans , ou des
Génies qui accompagnent fes Sujets ,
& qui font la plupart renverfées , vio-
lentes y fans néceflité & fans beauté. Le
Public penfe à peu près de même des
Tableaux du fieur Nattoire dont les
carnations font encore plus foiblcs ôc
dans un petit goût de mode très- clair
à la vérité , mais en même tems très-
fade. Ceft aujourd'hui la teinte géné-
rale de prefque toutes nos productions
dans les Lettres comme dans la Peinv
ture , tout y eft de la couleur des rofes
6c en conferve la durée. On voit ce-
pendant au Sallon deux petits morceaux
du fieur Nattoire , qui repréfentent l'u-
nion de la Peinture & du Deflèin , &
celle de la Poëfie lirique , ôc de la Mu-
fur la Peinture. 77
fique , ôc l'on a trouvé de l'agrément
ôc de la fînefïè dans le pinceau de ces-
deux petits Tableaux dont les Sujets
font très-propres au Cabinet d'un con-
noifleur aufïï délicat que Monfieur de
Julienne pour qui ils ont été faits. Ce-
pendant comme on ne fauroit conce-
voir la Peinture fans le Defïèin , Ôc que
ces deux idées font inféparables , on
lui auroit defirée une compagne moins
triviale , ôc qui ne fe trouvât pas dans
tous les Tableaux 3 tous les defïus de
portes y dans tous les Emblèmes anciens
ôc modernes , ôc fur tout dans tous les
frontifpices gravés de nos livres qui
traitent de la Peinture. Mais la plu-
part de nos Peintres font peu inven-
teurs y parce qu'ils font peu ftudieux ÔC
rares lecteurs ; l'Ignorance eft fille de
la Parerlè , ôc la compagne chérie de la
médiocrité. Ennemie de l'émulation.
7% Refixions
elle rétrécit les talens , & laifïè tran-
quillement à fès rivaux laborieux la
gloire de l'Invention, contente de rem-
per obfcurément dans la foule des co-
piftes des penfées d'autrui j femblableô
à ces animaux ftupides qui n'ofent por-
ter leurs pas hors de ceux qui les pré-
cédent. Ce n'eu: pas ainfi que les Ra-
phaël , les Poulïîn , les Rubens , le
Brun , le Sueur & tant d'autres ont ac-
quis le titre »de grands hommes , & l'im-
mortalité dans leur profefïion , & ils
ont tous été amateurs du favoir. Leurs
Ouvrages font des livres ouverts à tou-
tes les Nations > où tout inftruit ; nulle
circonftance néceflàire au fujet n'y eft
omife , de leur parole qui fe fait en-
tendre aux regards , fouvent pénétre
l'ame plus profondément que les plus
éloquens écrits.
Dans le tableau d'Alexandre qui
coupe
fur U Peinture. ff
coupe le nœud Gordien , par le fieur
Reftout , on a loué l'ordonnance &
quelques beautés de détail. Sans fouhai*
ter de l'intérêt dans un fujet auffi froid
^& auffi difficile à traiter avec fuccèss
on y a defiré plus de variété & d'agré-
ment dans la couleur locale. Le nom-
bre ôc là grandeur des ouvrages où cet
habile Peintre a excellé lui ont fait un
nom au defliis des éloges > fbit par les
toutes fàvantes qu'il a fu fe fraïer dans
le grand ou les défauts font Ci fènfi-
blés, foit dans fes exprefïîons neuves
•& éloquentes dans les Sujets ibuvént
communs de qui paroiflènt épuifés.
Telles font celles du Tableau de la
Vierge avec" l'Enfant Jefus dans l'E-
glife du Séminaire des Millions étran-
gères , où la Vierge eft reprefêntée dans
une attitude d'adoration de la fainte
Trinité fi élevée & fi fublime , qu'elle
H
£ô Réflexions
étonne le fpe&ateur en le pénétrant
•d'une fainte vénération pour ce Mit
■êère. Une compofition fi chrétienne &
ii éclairée paroît être l'ouvrage d'une
haute piété , de d'une profonde médi-
Pauîv tat*oru Un 8ran(l Peintre {*) a dit
ronefe. qu'il feroit à fouhaiter que tous les
Tableaux des Egiifes fulTent excellais ,
Se pathétiques > il les appelloit des Pré-
dicateurs muets qui font fou vent plus
d'imprefïîon que la parole. On trouve
dans les vies des Saints, (a) 8c dans
celles de plufieurs Peintres , des exem-
ples de cette vérité.
Deux Tableaux du lieur Collin de
Vermont ont arrêtés agréablement les
ïeux des fpectateurs. Le premier eft
tout près de l'efcalier. Son Sujet eft
une allégorie prife dans l'Hiftoire., &
des mieux penfée. Augufte , cet Empe-
(a j s. Grégoire de Nice. Tableau du Sacri-
fice d'Abwham,
fur la Peinture. 81
teur Romain , dont l'amour pour les
grands génies & les beaux Arts a plus
mimortali-fé le règne que fes a&ions- les
plus héroïques y paroit ailis dans vm
Heu décoré où il vient fe délaner du*
fardeau de l'Empire x Se gourer le plus
noble loiiir des Héros. Tous les Arts
l'environnent. La Peinture, qui doit y
tenir le premier rang , eft plus près de
{à perfbnne , ÔC lui offre un Tableau
repréfentant le fàcrifîce d'Iphigénie. La
Sculpture à côté d'elle , tient le modèle
d'une Statue. L'Hiftoire s'y fait connoî^
tre par fa trompette , & fa couronne
de -Laurier. La Mufique , la Géogra-1
phie , l'Architecture forment des grou-
pes d'une belle ordonnance. L'Auteur
auroit pu varier davantage leurs habille-
mens trop maniérés y la plupart de leurs»
draperies étant nouées fur une épaule,
$c L'auu;e déçQuyerce». Cet habile Pein-
H ij
S* Re'flexiom
rre a eu depuis long-tems les fuffrages
du Public pour les Tableaux d'Hif-
toire. Il expofa il y a quelques années
une grande fuite de celle de Cyrus en
une vingtaine de petits tableaux. Le
Public y admira le beau choix des évè-
nemens d'un règne auiïi célèbre que
celui de ce grand Roi des Perfes. Ces
efquines coloriées avoient été faites pour
être gravées, £: les Curieux en ver-
roient les eûampes avec plaiûr. Les
éloges du Public ne fe font pas bornés
dans celui d'Augufte à la beauté de
l'ordonnance ; il a fenti tout l'ingé-
nieux de l'Allégorie qui a déguifé les
traits de Louis XV. dont la pro-
tection qu'il accorde aux beaux Arts
fait le fujet du Tableau , fous les traits
de Céfar. Tout le monde a foupçonné
nôtre Monarque bien aimé dans la fi-
gure de l'Empereur, fans pouvoir alfiW
fur II Teinture . 85
fer que ce fut Ton véritable portrait ,
ce qui eût été beaucoup plus ailé , mais
bien moins adroit , de flateur. Cfeft
donc le règne de Louis XV. qui eil
défigné par celui d'Augufte ; de qui
pourroit exeufer l'Auteur des Anachro-
nifmes qu'on y a remarqués. Tel efl
celui de la Gravure qui lui préiente une
Eftampe , fie qui n'a été inventée que
treize cens ans après ion règne 5 auiTî-
bien que les initrumens, & la forme
des livres entièrement modernes.
L'autre Tableau du même Auteur eft
à l'extrémité de la même face , <Sc fat
la même ligne, Ceft Cléopâtre fup-
pliante aux genoux d'Auguite devenu >
fon maître par la défaite d'Antoine,
N'aïant plus d'eipérance qu'en fa beau-
té , ni de reiîburce qu'en la clémence
du Héros y elle paroit à fes ïeux dans
un profond abaiiïèment où elle emploie
H ii;
84 Réflexions
rout l'artifice de Tes charmes Se de- (eft
pleurs pour l'émouvoir. C'eft ce mo-.
ment que le Peintre a choifi pour le
fujet de fon Tableau. On voit dans
fes traits une affliction accompagnée de
dignité. Cette figure eft fi remarqua-
ble par fon expreilîon, & par la belle
lumière qui y eft répandue , qu'elle
rend celle d'Augufte peu intéreflànte*
Il eft vrai que le caractère de clémence ,.
le feul que le Peintre a du lui donner
dans cette fîtuation , eft -une affection
de l'ame allez intérieure > & qui ne
produit au dehors prefque aucun mou-
vement fenfible ni dans les traits , ni
dans l'attitude. Ceft ce que le Brun y
ce grand maître dans l'art de rendre
les paftions , avoir fenti dans fon ta-
bleau admirable des Reines de Perfe
aux pieds d'Alexandre , chef-d'œuvre
de jugement & de iemiment danslex*
fur U Peinture. $$
|>reffion des pallions diverfes qu'excite
l'arrivée de ce Prince chez tout ce qui
compofè la tente de Darius : la fou-
million , ^admiration , la confiance > le
refpecl:,. la crainte y la terreur, nuan-
ces toutes différentes qui produisent'
une abondante variété de phiiionomies
Se d'attitudes exprimées avec une élo-
quence & une convenance parfaite 8c
à la dignité des Princefïès & à lJétac
de toutes les perfonnes de leur fuite»,
Ouvrage qui fera éternellement hon-
neur au grand fens & au génie fubli-
me de cet excellent Peintre , PHomere
& le Quinte -Curce de L.ouis XIV,
Il favoit que la clémence, cette vertu
d'ailleurs fî eftimable dans les Souve-
rains , eft froide dans la repréfentation 3
c'eft ce qui lui (k afïocier l'heureux
effet que produit l'erreur de la mère
de Darius qui croit Parménion être.
&<>' • Réflexion*
Alexandre par Pavantage de la tailfe
8c de l'air du favori fur celui du Hérosr
ce qui occaïîonne à ce dernier PadHon
de prendre Parménron Se de dire à Sili-
gambis qu'elle ne fe trompoit point ôC
qu'il étoit un autre Alexandre.
Il y a bien des beautés dans le ta-
bleau de Cléopatre du fleur de Ver~
mont. La variété & le choix des atti-
tudes, PexprefTion des caractères des
femmes de cette Princefîe , de ceux des
Officiers de la fuite d'Augufte , Paccord
des teintes vagues des figures placées
dans le fond, avec les plus vigoureu-
fes du devant de la feene , forment un
bel enfemble & d'une heureufe har-
monie. Mais comme il eft peu de beau-
tés exemptes totalement de défauts s.
celui que Pon y a remarqué & le feul
eonfiderable , c'eft que la Reine d'E-
gypte & PEmpeveur Romain n'y font
fur ta Peinture.. tj
point aflêz caractérifés pour être recon-
nus fans le fècours du Livre imprimé
qui en explique le Sujet. Cette obfcu-
rite naît du défaut d'attributs qui leur
foient propres > foit dans les habille-
mens > le Héros n'étant point vêtu à la
Romaine > ni l'Egyptienne en Africai-
ne y foit par le lieu de la lêene qui
n'eft nullement Hiftorique. Ce fujes
î)*eût point été un Emblème pour le
fpectateur , s'il eût pu voir quelque
part du Tableau les monumens fomp-
tueux ôc les fépultures en forme de
Piramides que Cléopatre avoit fait conC-
iruire près du temple d'Ifis pour s'y
renfermer avec fes richeflès. immenfès >.
& d'où elle écrivit à Augufte fur des
tablettes de criftal dans les termes les
plus îupplians. Un de nos Poètes cé-
lèbres a dont la fînefïè de l'expreflior*
<%ale celle du fentiment 9 a mis
$t Réflexions
en vers cette Epître. En voici deux
ftrophes.
Ah Seigneur > X vos ïeux lorf-
que j'irai paroître ,
Prenez, d'un ennemi le vïfage irrité:
Traitez, -moi s'il fe peut comme un
fuperbe maître >
Je cralndrois trop votre bonté*
Je m'apprête a me voir en efclœ-
ve menée
Dans ces murs orgueilleux des fers
de tant de Rois :
La maïfon des Céfars > telle efi ma
deftinée ,
De moi doit triompher deux fois.
Je penfè donc avec un favant Aca«
démicien de nos jours y qu'un Peintre
d'Hiftoire ne fauroit trop étudier Se
jwflèmblei; tout ce gui peut aider, à !Ji%
fur U Teinture. f>9
telligence de fon Sujet. Ceft ce qu'à
-pratiqué avec une févère exactitude le
•lavant Poulïîn. Rien n'étoit mis au ha*
zard fur la fcene de Tes Tableaux , &
fans une rai fon relative aux lieux., aux
tems , aux mœurs , à la Religion dans
les fujets de l'Hiftoire qu'il expofoit
aux regards. Les bâtimens , les Tem-
ples , les Idoles , les habillemens , tout
parloit, tout inflruifoit dans cette Poè'fie
qui n'a que le moment d'une action
•rapide , privée de circonftances précé-
dentes , & préparatoires pour amener
l'efprk du fpedateur à cet événement
préfent, de y répandre la lumière. Sans
•cette maxime ôc cette loi inviolable,
l'Hiftorique en Peinture dont le but eft
-d/inftruire par l'agrément , devient un
travail de une énigme pour le fpecta-
^teur qui le fatigue & fouvent le rebute.
Je terminerai les tableaux d'Hiftoke
ço Réflexions
|>ar un petit de cabinet du Sieur Pierre
tjui a étonné les connoiflèurs. Il eft
placé dans le dernier rang d'en bas att
defïbus de fa Medée. Le fujet en eft
£mple Se commun. C'eft Venus fur les
eaux couchée dans une coquille de
Nacre : des Tritons Se des Naïades lui
font cortège. Les uns attelés à cette
Singulière voiture , Se les autres près
d'elle en attitude d'admiration. On
d'abord cherché avec avidité le noi
-d'un pinceau fi brillant que l'on ne
devinoit point, Se l'on a été charr
d'en trouver l'auteur dans le Sr. Pierre
qui a porté le Coloris dans cet ouvn
ge à ce degré d'éclat de d'agrément.
On a toujours regardé cette partie com-
me la plus enchanterefïè des trois
la Peinture , celle qui appelle le Ipec-
tateur , Se qui conftituë fon nom
ibn caractère. Le Peintre qui n'excel-
lera
fur U Peinture* 5>*
Sera que dans la partie du defitèîn , ne
ûra. jamais qu'un grand Deffinateur»
Cette correction fe peut même acqué-
rir à un certain point par une étude
opiniâtre. On placera au rang des
grands génies & des hommes d'ima-
gination, ceux qui mettront beaucoup
de feu, de traits miguliers & poétiques
dans leurs ouvrages , & dont la veine
fera féconde 6c riche en inventions ;
Umais ce ne feront point encore là de
igrands Peintres , s'ils ne nous enchan-
tent par la couleur. On eftimera un
excellent Géomètre celui dont on ad-
mirera l'art & la fience des raccourcis,
J*& des iilufîons ctonnafltes de la Perf-
ipective., Mais l'on ne /pourra jamais
concevoir un véritable Peintre fans la
partie du Coloris. C'eft fon charme qui
J m'attire par le brillant éclat des objets
imités P & cette, imitation portée au plu$
I
£2 Refexlons
haut degré efl fouvent plus féduifante &
plus enchantereflè que le vrai même au-
quel elle ajoute par le choix de ce qui eft
le plus beau dans la nature , & dont on
ne fauroit trouver Paflèmblage que par
un heureux hazard qui n'arrive prefque
jamais -, et qui excite en nous un dou-
ble plaifir dans le même inftant , celui
de la vue d'un objet parfait dans toutes
lès parties , & celui d'admirer l'art ôc
la magie de l'imitateur qui nous trom-
pe fi agréablement. Et il ne faut pas
croire que cette haute intelligence du
Coloris , & cet artifice de réduction
foit aifée. Parmi le grand nombre de
Peintres célèbres dans les Ecoles , com-
bien peu de parfaits coloriftes ? Leur
rareté ne doit point nous étonner. Quel
art pour confêrver la pureté des teintes
vierges & primitives , & les faire ce-
jen4ant monter à ce degré éminent de
fur la Peinture. $-$
fraîcheur & de lumière par le mélange
des demi teintes fans altérer ni fatiguer
les couleurs fimples & fondamentales ?
Quelles recherches infinies pour trouver
les tons vrais de ces demi teintes , ou
plutôt quel heureux hazard dans leur
découverte ! Je dis un heureux hazard ,
puisqu'un iî grand nombre de Peintres
ont pafle leur vie à les chercher fans
avoir pu y réufïîr. Le Coloris de la
Venus du fîeur Pierre eft d'autant plus
admirable qu'il ne s'efl aidé d'aucun
fond , d'aucune oppofîtion avantageufè.
C'eft l'Ether, c'eft la couleur célefte
qui fait le champ de fon tableau.
Après avoir rendu juftice à la beauté
de la couleur dans ce petit ouvrage 3 je
crois afïèz de pafïion à l'Auteur d'arri-
ver à la perfection de fon art, où il
femble voler , pour deiîrer d'apprendre
les fentimens du Public fur fes défauts.
94 Hêjlexions
Il a trouvé dans, l'air de tête* de cette
brillante Venus r peu de nobleffe & de
grâces. Le choix de fon attitude n'eft
ni heureux ni agréable j le goût de
delîèin en eft médiocre 8c pefant. On?
a obfervé des teintes rougeâtres dépla-
cées fur le haut de la gorge. Dans les,
figures des Tritons & des Génies ,. ce-,
lui qui tire le berceau de la mère des.
Amours avec des traits , & des liens fi
galans y porte un caractère barbaref-
que & prefque horrible qui a déplu ày
bien des perfonnes. Plufîeurs ont été
frapées d'un contrafte auffi violent avec
la plus belle des divinités , dont la pré-
fence feule doit répandre des Grâces ,
ou du moins adoucir la férocité de tout
ce qui l'environne. On eft convenu
que le Triton principal qui eft fur le,-
devant, eft peint avec beaucoup d'art j
& des. touches fieres & favantes dans-.
fur la Peinture. 9$
fa figure & fur tout à la tête j on les
a trouvées admirables, mais point agréa-
bles. Rien n'eft encore mieux peint ,
& d'un meilleur ton de couleur que le
groupe des figures qui font à Tes cotés *
©n y voit des lumières de reflet imagi-
nées avec une vrai-femblance furpre*
nante , 6c qui produifent des effets très-
lieureux: mais il y a des négligences
dans la correction du Deflêin qui ne
font pas pardonnables. Dans la figure
du Triton qui eft le plus près de
Venus , ôc fur lequel eft pofée fa main
droite , le bras droit de ce Triton ,. qui
eft couché , paroît trop long 3c rompu;
! dans la partie où le gauche s'appuïe
fur lui. L'effet du raccourci dans ce
dernier , 8c la main même font d'un
Deiïèin très -négligé & peu correct,
suffi bien que la gauche de Venus qui
*& dans la demi teinte. L'Auteur doit
1 iij;
9^ Réflexknt
bien fe garder de négliger, une partit
aufïl efTentielle , & fe fouvenir que Ra-
phaël ne s'eft élevé fî haut que par la
plus grande févérité dans le Defïein,
où il ne s'eft jamais permis de négli-
gence, & dont il a encore préféré la
perfection à celle du Coloris: quelque
éloge que j'aïe fait de ce. Coloris en-
chanteur, il ne fauroit plus me flater,
dès qu'il brille fur des parties qui
choquent ma vue par les défauts de
leurs proportions : il ne fert au eon*
traire qu'à me les rendre plus remar-
quables.
Quelques perfonnes ont fait encore
une critique dans ce charmant tableau ,
qui mJa paru judicieufe. Ce n'eft point
un défaut dJArt , mais feulement d'at-
tention de l'Auteur. La Déefïè des Grâ-
ces & de la beauté donne la préférence
£ l'un de ces laids Tritons pour lui fer-
fur la Peinture. 97
vir dans fon triomphe , &: choifit Ton
dos pour appuïer fon bras d'y voire t
n'eût-il pas été plus convenable de lui
faire accorder cette faveur à une jeune
& agréable Naïade parmi celles qui
font oifives dans ce tableau , à la pla~
ce de cette figure à- barbe hideufe ôs.
dégoûtante -,, pour approcher de plus
près que toutes les autres fa perfonne
divine > Un Peintre doit beaucoup exa-
miner le rolle qui convient à chaque
Acteur dans fon fujet , afin de n'en
faire jouer aucun qui foir déplacé, ou
inutile.
Mais ces défauts font aifés à corri-
ger. Ils font même légers mis en balan-
ce avec le mérite d'un auflî beau pin-
ceau , & du rare &c précieux coloris
de ce petit ouvrage. J'ai cependant
encore une chofe bien importante à de-
firer au fieur Pierre avant de quitte^
9& Réflexions
fon charmant Tableau 5 c*eft qu'il fe
fbûtienne quelque tems> dans cet éclata
Qu'il me fôit permis a fon fujet de
faire des reproches de la part du Public
à prefque tous nos Peintres d'à pré-
lent > fur le peu de durée de leur Colo-
ris y que dix années au plus empor-
tent &c effacent au point de mettre au
niveau du rien ,. des Tableaux achetés
fort cher , & qui nous avoient enchan-
tés. Tels font ceux du charmant Vat-
teau à qui il n'a manqué que cette
partie pour être le Peintre le plus fé-
duifant., & le plus piquant de tous
nos modernes. Quels font aujourd'hui
la plupart de fès Tableaux :- Un aflèm-
blage informe de couleurs qui déton-
nent toutes , & qui ne laifïènt aux fi-
gures ni vie ni vraifemblance. A quel
point de dégoût les Rofes du Sr. Tre*
jPKÛlleieibnt-eUes aujourd'hui flétries*.
fur la Peinture,, $%*
qu'il a mis fi fort à la mode ? J'en,
dirois autant de plufieurs de. nos mo-
dernes fi frais & fi fleuris, fi je ne~
voulois garder le filenee fur ceux qui
font vivans.. Je fai que la fîence d'em--
ploïer les couleurs contribue beaucoup:
à leur durée 3 mais la fource de leur
ruine vient aulîî dans la plupart du:
peu de connoifïànce en général de nos;
Peintres françois dans le choix des Cou-
leurs qu'ils achètent toutes broïéespour
la plupart, Cette fîence a fait la prin-
cipale étude des grands Coloriftes Fla-
mands de Italiens, Ils n'ont épargnés:
ni dépenfes y ni voïages pour tirer leurs
couleurs des païs étrangers les plus
éloignés ,. 8c pour les. puifer dans leurs".
fourcesa,LJceconomie de l'Azur d'Outre-
mer , qui eft d'un grand prix , eft une-
caufe très - ordinaire de leurs change-
mens -h lui feul bien emploie éternife
i g© Reflexions
la fraîcheur & le fanguin des chairs.
L'on y eft rarement trompé , quand on
ne veut point ménager fur le prix,
quoique celui de l'Europe reflèmble
beaucoup à l'azur qui doit venir d'Ou-
tremer , c'eft-à-dire , des Indes 8c de
la Perfe.
Avant de paflèr aux beautés des Por-
traits, j'aurois tort d'oublier les Ta-
bleaux qui ont été expofés d'un de nos
François à préfent à Rome, qui ont
charmés tous nos connoifïeurs , & réu-
nis tous les fuffrages. Ce font les Mari-
nes du fieur Vernet Provençal, dont
les beautés toutes nouvelles font une
conviction fenfible qu'aucun genre n'eft
épuifé , même le plus ftérile par un
homme de Génie. C'eft une autre Na-
ture qui fe préfente à fes ïeux. Ce grand
Ipectacle de la Mer , dont aucune per-
sonne de fentiment ne fauroit faûtenir
fur U Peinture. i©i
îe premier regard fans un faifîfïèmenc
d'admiration muette, fes bâtimens, fes
rochers, fes rivages, fes Lointains mer*
veilieux Se fi variés , les Orages , tout
fe montre à des ïeux fàvamment fpec-
tateurs fous de nouveaux afpects. Tout
paroît neuf dans fes productions par le
charme d'un Pinceau Original quoï-
qu'imitateur. Les effets d'un Soleil
éclipfé de brouillards , d'affreufes tem-
pêtes , les horreurs d'un naufrage , ob-
jets d'épouvante , ôc dont la réalité fait
frémir d'effroi , attachent avidement
nos regards dans les Tableaux du Sieur
Vernet par la force de la vérité , & le
charme de l'imitation. Le Public a trou-
vé fa manière dans un bon ton , les
touches de fes rochers d'une vérité neu-
ve , leur choix excellent fans dureté ni
bizarreries défagréables dans leurs for-
mes y qui quoique vraies chez les au-
«ai Réflexions
très Peintres ne font pas toujours vrai-
semblables. On y a cependant defïré
un peu plus de variété dans leurs tein-
tes , dont le ton eft trop égal. L'art avec
lequel il Fait participer des vapeurs de
-cet Elément , les Rochers , les Bâti-
mens, les Môles Se tous les objets qui
font fur la (cène , anfïi bien que fa perf-
pedtive aérienne & nébulcufe , tout cela
efl d'un grand Peintre , d'un Phificien
habile formateur de la Nature , dont il
fait épier les momens les plus rapides
ôc les plus Singuliers avec une fagacité
étonnante. On admire en lui un rival
du Claude dans l'artifice de la vérité
-avec laquelle il faifit ce qui n'a point
de piïfe , Se repréfente ce qui eft fans
couleur , c'eft ce ferein , cette vapeur ,
cet Atmofphere chargé d'une humidité
imperceptible. Supérieur en un point
au Lorrain qui n'a pu enrichir fês
beaux
fur U Peinture. 303
\ beaux Païfages de figures faîtes de fà
i -main, 6c qui fuflènt fupportables. Cel-
I les au contraire du fleur Vernet font
defïînées dans un bon goût & agifïènt
f même avec intention. On a remarque
•quelques légers défauts de Perfpedive
dans la fabrique dJune efpéce de jar-
din en terrafïè planté de ciprès 6c foû-
-tenu par des arcades , où les tons des
objets fuïans foit dans la maçonnerie ,
foit dans les arbres , ne font pas dégra-
dés. Mais les autres beautés de ce Ta-
bleau pourroient faire excufer ce défaut
qui mérite cependant l'attention de
l'Auteur. La fcène de fes devants, 8c
de fes Ports eft vivante, animée, 6c
variée par différentes actions qui jettent
de l'amufement où l'on n"e peut mettre
de l'intérêt. Je finis fbn éloge en lui
confirmant ceux du public 6c l'admira-
tion de wus nos connoiflèurs délicats
K
ï°4 Ref exions
de Tes ouvrages qui doivent faire beau
«coup d'honneur à nôtre Nation chez
les Italiens.
Je pa(Iè à l'exponuon des Portraits ,
le genre de Peinture aujourd'hui 1<
plus à la mode , & le plus accrédité
Je commencerai par les Portraits à l'huile
fort au defius des Paftels foit par 1
fience & la difficulté du fuccès , foit
par la folidité de leur durée qui ne
fauroit être comparée aux beautés vola-
tiles des craïons , & dont les finelïès
{\ piquantes , & admirées avec juftice ,
font aufli fragiles que la Glace qui les
défend , & difparoiflent à la première
chute du Tableau , où à la pénétration
de la moindre humidité des lieux ou
ils font placés.
Le fieur Tournière comme le plus
ancien doit avoir les premiers éloges.
'Il les mérite par les ouvrages fortis
fur la Peinture. loy
anciennement de fon pinceau , Se par
ceux qu'il nous donne encore malgré,
fon grand âge. Ce Peintre a excellé dans
les petits Portraits & fur, tout dans ceux
d'environ un pied de hauteur. Il a mis
un art infini dans les bordures peintes
dont il les accompagnoit , & qui fai-
ibient partie du Tableau. Elles étoient
ornées de petits animaux flnguiiers ,
d'infe6fces , de pampres , de chardons .,
& autres plantes \ ôc cela peint dans la
meilleure manière , & d'un coloris fon-
du Se précieux comme celui des bons
pinceaux Flamands. Il a encore très-
bien réiifïï dan* les lumières de flam-
beaux violentes & réfléchies. Le Ta-
bleau de la famille de Monfieur Lalle-
mand expofé au Sallon, eft plein de
chofes excellentes , fur tout dans la
partie à la droite du fpectateur peinte
il y a déjà long-tems, & dans une trèv
Ki;
io6 Réflexions
bonne manière. Prefque toute la partie
à gauche du Tableau a été retouchée
depuis peu, & fort différente. Ce font
de nouvelles têtes que l'Auteur a mis
à la place des perfonnes de la famille
décédées. On voit encore d'autres grands.
Portraits de lui dans le Sallon , celui de:
Monfieur le Duc de Brifîàc a été ap-
prouvé ; Monfieur de Bernage Prévôt
des Marchands , & quelques autres..
Outre les Portraits il y a encore de (on
pinceau un- petit tableau de Julie dans
le temple de Vefta , où les connoiflèur*
trouveront des chofes faites avec bien de
l'efprit.
Le nom du fîeur Nattier fufEt à Ces
Portraits pour leur éloge.. L'avantage
qu'il a fur la plupart en ce genre, d'être
un bon Peintre d'Hiftoire , lui donne
celui d'une plus grande intelligence
dans la compoûtioa du: Portrait, hifto*
fur la Peinture. 107
fié. Ses têtes ont beaucoup de force,
la pureté de fon deflèin eft très-remar-
quable. La belle entente de fes Drape-
ries > leur légèreté & leurs mouvemens.,
leurs tons neufs & variés , le travail de
fes ciels , & la belle harmonie de l'en-
femble , forment de fes Portraits de
vrais Tableaux. On Ira demanderoic
un peu plus de recherche dans le choix
de leurs emblèmes vulgaires Se fou vent
répétés. La compofition de celui du
Sieur Bonier de la Mofïbn a des beau-
tés très-fîngulières. La position eft belle ?
l'action vraïe & d'un bon choix 5 tout
y eft fage & bien penfé. Le détail des
parties , qui eompofoient fon rare ca-
binet ; font d'un ton excellent -, tk il
refaite de ce bel exemple un repos
agréable à la vue , & une harmonie qui1
fâtisfait extrêmement les plus difficiles..
Avant de finir l'gmeie du fîeur'Naîtier>
K ii|
lUjlex'HUS
je dots paiier d'un de les pC
plus à mon gré de tous ceux que j ai
vu de loi. ez Xioniieur le Corn-
caar- i „a::s le Palais du grand
: celui -
on chef-^ erfecaons Se d'a~
ras. Tout ce que l'on peut ima-
giner de grâce <S: a élégance dans une
phîuonomie fe trouve dans celie-Là , Se.
en même ams ce que le pr.ee au peut
aïîembier de nnerlês dans l'artifice de
la couleur , Se la feducoon ce Tes effets ,
! _jù dans cet otmage. Je ne doute
pas que la dëiicateâè du go-Ji ce M.
ie Chevalier ce G. q ak piqué le Sieur
Narrier Se qu'il n ak tait un eirbri de
ôioa en faveur d'un connoineur
aimable , Se bien pkis recherché par les
cLarroes de (on eiprk > Se la candeur
de &>a caiaôere ^ue par uœ beik éC
fur U Pchstttre. :c£
ample collection d'Efbmpes tares &
étrangères créneaux & d'antinaux peints
evceiie~~er.: i Gnazze . 5c ie ii ri-
bnjLT.ecue :^^::t 5- _LT_Z-c c~ CJ3
cer^ir. zenre. E~e ccr.ner.: ::z: .es
[ ::t:ti 1:l..z:\: .ir.: i\::tz:.:r. i _r. .tz.!,
& tout ce qui a été imprimé de leurs
£u:ev_r= .V;: .: ::::; :: \":.;y-..;;. Ces
.'.'.-. t~ : : les rr.ieu:-: ::r.i.r::".t: , iv
rikions des plus prénrnics.
Jrz:: : -..:: i_ :::_: Cz-uini
dans le rang des Peintres coenpouxeers ,
6c engins. uï. On LC:r_ie ii.z; ze._:-z:
le caler.: ze re .-. :.:.--_:.:-. : .. ;..._:
eft propre , 6c iînguiièremen: naïf , cet—
tains rnornens dans i es actions de la
nuilemer.: z::chChBj cm ne
par eus- mêmes aucune airentiop, Se
dont quelques - uns n'etoitn
du chois ce i'Aurenr, ni des
§u'qû > adnwf : iis Lu en ni: cepea*
ïio Réflexions
dant une réputation jufques dans h
païs étranger. Le Public avide de fes ta-
bleaux y & hauteur ne peignant que pour
fon arnufement &: par conféquent très-
peu , a recherché avec emprefïèment
pour s'en dédommager les eftampes gra-
vées d'après fes ouvrages. Les deux
Portraits au Sallon grands comme na-
ture , font les premiers que j'aie vu
de fa façon. Quoiqu'ils foient très-
bien , & qu'ils promettent encore
mieux , il l'auteur en faifoit fon occu-
pation , le Public feroic au defefpoir de
lui voir abandonner , & même négli-
ger un talent original Ôc un pinceau
inventeur pour fè livrer par complai-
fance à un genre devenu trop vulgaire
& fans l'éguillon du befoim II a donné
cette année deux petits morceaux au
Sallon y dont l'un eft ancien avec quel»
que s changemens nouveaux ; ç'eft le
far U Peinture. un
Beneâicïté de l'enfant iî connu 3 & ce-
lui, qui n'avait point encore paru*,
repréfente une aimable pareflèufe fbus
la figure d'une Dame dans des habits;
négligés & de mode, avec une phifio-
nomie aiïèz piquante y envelopée dans,
une coëffe blanche nouée fous le men-
ton qui lui cache les côtés du vifage*.
Elle a un bras tombé fur fès genoux:
qui tient négligemment une brochure^
A côté d'elle , un peu fur le derrière, eft
un rouet à filer , pofé fur une petite*
table. On admire la vérité de l'imita-
tion dans la finefïè de (es touches , fbk
dans la perfonne, foit dans le travail
ingénieux de ce rouet , & des meuble»
de la chambre.
Le Peintre en Portraits dont je vais,
parler , s'eft tiré de la foule depuis:
i long - tems par d'excellens ouvrages».,
] C'eû le Sieur Tocqué dont le ginceaiïi
iiï Ref exions
eft moelleux & très - agréable , auffi
hien que fa couleur dans un ton élevé ,
de d'une belle manière. Entre plufieurs
excellens que l'on voit de lui cette
année au Sallon , celui d'une Dame un
peu âgée en manchon a arrêté tout
Paris. La bienféance de Ton ajuftement
extrêmement conforme à fon âge , a
donné une idée très - avantageufe de
l'original , & diamétralement oppofée
à Pimpreffion que fait avec juftice fur
le Public Pimprudence de celles , qui
n'étant jeunes ni jolies , fe font repré-
fènter avec les galans attributs de la
Déefïè de la Jeuneflè, & en pompons
de couleurs. Du mépris de la Divinité
on pa(Te à celui du Pinceau que Pon
croit & fouvent injuftement , Auteur de
PApothéofe ridicule, par intérêt ou par
adulation.
Le Portrait de cette Dame âgée ôc
fur la Peinture. 113
d'une belle phifionomie , eft un ouvra-
ge excellent j> qui a eu l'admiration
publique , 8c qui la mérite. Tout y eft
fait avec un bon fens > un accord,
une vérité de couleur ôc de détail qui
peut foûtenir l'examen le plus févère.
Il y a des nuances dans les teintes du
vifage d'un pinceau favant. Le ton des
cheveux , des deux coëfFures 3 du lin-
ge , des étoffes , tout y eft parfait > &
rien à délirer.
Celui du célèbre Crébillon fait par
le Sr. Aved eft encore un très-beau Por-
trait & fort reflèmblant. Tout ce qui
l'accompagne y eft peint avec un arti-
fice merveilleux. Mais comme l'imita-
tion feule des traits du vifage , quel-
que exacte qu'elle foit , n'eft point fuf-
fîfante pour donner l'idée d'un homme
aufïî fingulier que celui-ci 3 Se de qui
la chaleur du génie échauffe fans ceflè
pli} Rtflexiom
l'action , & donne à fa phifîonomie
toute la véhémence du Cothurne , on
auroit fouhaité qu'à une imitation des
traits fi parfaite , on eût jointe une
action liée par un beau choix d'attitude
à celle de fa phifionomie, ce qui au-
roit fait tableau , Se tableau d'ame St
de caractère. Et combien de beaux mo-
mens il y avoit à choifïr parmi tous
-ceux où il déclame avec une force
d'exprefïîon iî pathétique les endroits
fublimes de fes Tragédies ! On-eft tout
étonné de le trouver ici en pied fur une
grande toile , droit , immobile , fans
action , & tel qu'on ne le voit jamais.
Le Portrait d'ailleurs eu: excellent &
mérite les éloges qu'il a reçu du Public,
&c tous ceux du même Auteur expofés
dans le Sallon.
Le fieur Nonnotte s'eft élevé cette
«année -ci dans le Portrait à un degré
de
fur U Peinture. n$
de réputation bien fupérieure aux pré-
cédentes. Celui quil vient de donner
au Public lui a attiré des admirations
très-méritées. On peut l'appeller un Ta-
bleau par la fîenee de la compofkion»
Il y a placées deux ,perfonnes de gran-
deur naturelle diftinguées par leurs noms
Se par leur fîenee -, dont il a liée l'ac-
tion par une converfation d'étude, &
ce qui eft penfé de bon fens , & qui
aide beaucoup à la vérité dans le Por*
trait , c'eft que les vîfàges reflèmblent
parfaitement fans avoir le défaut ordi-
naire à la plupart des Portraits qui
détournent leurs regards de l'occupa-
tion qu'on leur donne , pour les fixer
(timidement ôc hors de propos fur le ,
fpectateur. On fent le mauvais effet de
cette routine dans le Tableau d'ailleurs
excellent du fïeur Tournière qui repré~
fente la famille du fleur Lailemand,
L
i î 6 Réflexions
où ce grand nombre de figures qui ne
k parlent ni ne fe regardent , aïant tous
les ïeux fixés fur les fpe&àtêurs ^réf-
femblent à des ftatuës y ou k des péri
formes qui jouent à la Medufe obligées
de garder exactement l'attitude où elles
font furprifes. Il y a cependant des oc-
casions où il eft néeefTaire du du moins
convenable d'arrêter les ïeux du Por-
trait fur le fpedateur , c'eft loifque k
figure eft oifive & fans aucune inten-
tion.
Il y a une infinité de beautés dans le
Tableau du fieur Nonnotte qui méri-
tent de grands éloges. La pofition aifée
<$es deux figures , &c qui eft bien dans
le caractère de leur action j c'eft un
père qui enfeigne fon fils: il eft afïîs
le plus en vue & fur le devant du Ta:-
bleau. Il parle à ce fils de la main
«droite , les bras & les mains étant k
fur U Teinture. 117
langage de la Peinture , il le regarde
pendant que ce fils mefure la figure de
la Terre fur un globe pofé entre eux %
le père tient de l'autre main un livre
fur fes genoux. Toutes les couleurs des
chairs font d'un bon ton* de même
que les étoffes 9 & le linge travaillées
avec un grand fuecès. L'ordonnance
de toutes les pièces de ce cabinet d'é-
tude eft recherchée ôc favante. Enfin
tout le détail , & toutes les parties de
ce bel ouvrage égalent fbn auteur à ce
que nous avons de mieux en ce genre j
pour ne rien dire de plus.
Avant de quitter les portraits à l'hui*
le y je dois une louange particulière à
celui du fieur Coypel qui s'eft peint
lui-même , & dont j'aurois du parler
des premiers , fi le Public n'étoit depuis
iong-tems accoutumé à voir d'excel-
lentes chofes- de lui dans ce genre*
u8 Réflexions
Quoique l'on foit moins étonné de
trouver la perfection du Portrait chez
un grand Peintre d'Hiftoke , on doit
toujours de l'admiration & des éloges
à ceux qui réunifient à un certain degré
de fupériorité autant de taiens.
Je pane malgré moi fous fdence plu-
fieurs autres Portraits à l'huile qui ont
été goûtés , tels que ceux du Sieur le
Sueur , & fur tout le Joueur de vieil©
qui eft d'une bonne manière , & d'une
couleur excellente ; ceux du Sieur des
Lyen., & quelques autres.
Je viens aux Paftels , eipéce de Pein*
ture exceflivement à la mode , & à
laquelle le Sieur de la Tour a donné
une .vogue & un crédit qui femble ne
pouvoir pas augmenter , par les prodi-
ges qu'il a enfanté en ce genre. Il eft
vrai qu'il a fait une foule de miféra»
blés imitateurs,. Tout le monde a mis.
fur Ia "Peinture, 1 19
ces craïons de couleur à la main : U
en eft de même chez nous de tout. ce
qui eft de mode , le Public l'adopte
avec fureur. Combien l'inimitable Vat*
«eau a fait de mauvais nages dans fon
tems I
Parmi les Païtels de cette année , le
Portrait du Sieur Reftout fait par le
Sieur de la Tour pour fa réception à
l'Académie, a rafîèmblé le plù&defuf.
fcages. Il x fil éviter le contrefens que
}'aiobfervé ci-deflus3 &c s'eft bien donné
de garde^ de faire contempler ifotement
le public à celui qu'il fok deiliner d'a-
près un modèle* Bien des gens auroien*
fouhaité qu'il eût fait entrer ce modela
dans fa compofition , & que le Public
«ût été inftruk de ce qu'il" regarde avec
Geste vivacité d'attention qui donne
£ame & la vie à fon portrait. On a
trouvé cependant l'expreflion un peu
L iij
no Réflexions
trop forte pour une a&ion auffi tran*
quille ; elle paroîc même chargée. L'on
a- encore defîré plus d'union dans les
chairs du vifage dont les touches font
un peu féches & découpées; elles au-
roient pu être mieux fondues fans faire
tort à la refîèmblance ,. ce qu'ila excel-
lemment pratiqué dans plusieurs de fès
portraits , . & ■ particulièrement dans ce-
lui de M. Paris de Montmartel qui eft
tout auprès , & qui eft parfait.. Toutes
les autres parties du Portrait du Sieur
Reftout méritent une attention particu-
lière & femblent difputer de vérité
avec la nature. L'Etoffe de l'habit , le
linge , le porte-feuille , tout y eft à ad-*
mirer.
On trouvera encore au Sallon un
Portrait en Paftel par le Sieur Nattier»
d'un particulier en bonnet fourré, ÔC.
en robe de chambre > qpi eft d'une:
fur ta Peinture. vz.%-
vigueur de couleur admirable , & d'um
grand caractère de Defîèin.
Paurois bien des chofes à dire en fa*
veur des Paftels- des Sieurs Drouais^
Loir y Peronneau. Les- Portraits en Mig*
nature du Sieur Droiiais mériteroiene
un examen particulier qui lui- feroit
beaucoup d'honneur, & feroit entière-»
ment à fon avantage y mais ce feroit
répéter une partie des- louanges que je
viens de donner aux talens de leurs
Confrères , & que je nJai point Part de
fàvoir varier.
Mon deuein étoit de me borner aux
réflexions du Public dans l'examen des
Tableaux expofés : le champ étoit aflèz1
vafte. Cependant ce fîlcnce fur les*
beautés des ouvrages de nos Sculpteurs 3
dont les talens égalent ceux de nos
Peintres, quoiqu'il leur foit beaucoup*
pluç difficile df exceller, auroit pu faire
Ht Réflexion*
foupçorrner le Public ou de les avoir
regardé avec indifférence , ou que fèç-
jugemens ne leur ont pas été favora-
bles , ce qui eft fort éloigné de la
vérité ; j'en vais rendre un compte
exact.
Je commence par le Sieur Bouchar-»
don , dont le cifeau nous a fi fou-»
vent enchanté par la correction, £ au-»
tant que par le grand goût de for*
Defïèin comparable à celui de PAnti-
que du premier ordre qu'il a toujours
pris pour modèle , & en dernier lieu
par la fimple Se favante compofidon
d'une Fontaine rue de Grenelle, qui
auroit mérité un lieu plus favorable & ï
& beauté de l'idée ôc à celle de l'jcffifc
Quel riche point de vue auroit fait ce
beau monument s'il eût été placé ! Mais
sel eft le deftin de Paris , cette capi*
ttk du plus beau Roïaume de l'Uni*
fur la Sculpture. 123
vers , qui devroit exceller fur toutes les
autres par la beauté de fes édifices , la
krgeur Se l'allignement de fes rues , le
nombre de fês Places y l'abondance Se
îa magnificence de fes Fontaines , Se
des monumens publics. Cette Ville
cependant eft des plus irrégulières Se
la moins décorée. Rien n'eft plus fen-
fible à la Nation que l'imperfection du
Palais du Louvre , le plus fuperbe édi-
fice qui eût exifté fur la terre s'il eu!
été fini. Le feul Periftile de la façade
du côté de St. Germain l'Auxerrois
avoit déjà mis ce Palais au defliis de
tout ce que la Grèce &' l'Italie ont ja-
mais élevé fi non de plus fomptueux T
du moins de plus correct , foit en Ar-
chitecture foit en Sculpture. Quelle
grandeur de goût ! Quelle fublimké
dans la belle ordonnance Se les pro~
portions admirables de cette fuperbe
i *4 Réflexions
Colonnade ! Quelle favante perfection
dans la fculpture des Chapiteaux , 8z
dans l'exécution de tous les ornemens
des Frifes , des Plattebandes , 8c des
Platfonds I Quelle fage œconomie dans
leur diftribution 1 Toutes ces merveil-
les qui feroient la gloire & l'honneur
de la France , font aujourd'hui aban-
données , de maiquées par des bâti-
rnens de toute efpéce qui les environ*
nent Se qui dérobent aux Etrangers ,. &
même aux Citoïens le plains & la fatis*
faction de pouvoir admirer leurs pea*
près beautés.
Je reviens au Sieur Bouchardon. Il
a expofë un modèle en plâtre repré-
(êntant le Dieu de l'Amour , qui veut
( dit - on ) fe faire un arc de la mailue
d'Hercule. La correction , & les belles
proportions de cette petite figure ont
eu une approbation générale du Pts*
fur U Ssuîfture. iij
fclic , & beaucoup d'éloges des Artis-
tes. Les Curieux d'un goût délicat, &
qui n'admirent les beautés de l'art
.qu'autant qu'elles fervent à l'expreiTion
d'un fujet heureux & intérefïant , ont
été plus modérés dans leurs éloges,
-Quelque fineflè qui fok cachée fous le
Voile mtftérieux de cette allégorie afïèz
-froide en faveur du pouvoir de l'Amour
fur les plus grands Héros , la difficulté
extrême d'une heureufe exécution par
l'impoiïibilité de fâifir dans cette ac-
tion , ôz dans le travail mécanique de
ce Dieu pour cette Métamorphofe , un
moment de noblefle 3 d'intérêt , ou de
vraiiemblance 5 a été une raifon fuffi-
fante aux connoiffeurs pour rejetter fur
le choix du fujet la froideur de l'exé-
cution. Si ce choix , comme il a été dit
ci-deffus, eft fi important aux Peintres,
combien fâft-S davantage aux Sculf-
•126 Refexicrns
teurs privés du fecours des couleurs
jpour rendre celle de la Nature , &
-donner la vie & la vérité aux objets !
Joignez encore à ce défamt , celui des
vEpifodes pour aider à l'intelligence & à
l'intérêt du fujet , qui font ordinaire-
ment rares , & en très- petit nombre *
tel eft celui-ci où il feroit difficile d'en
(placer. Sculpture n'a donc pour s'ex-
primer que la voix de l'action dans (es
■figures. C'eft fon éloquence qui leur
donne feule le mouvement & la vie.,
qui peut annoncer clairement fon fujet
au fpe&ateur , & par-là y jetter de l'in-
térêt , fuppofé que l'Auteur ait fait
choix de quelqu'un qui en foit fufcep-
tible , c'eft ce que le fieur Bouchardon
n'auroit pu faire ici avec toute la îience
de fon cifeau & fon génie. L'effort
de ce Dieu & fon appui fur un mor-
ceau de bois & dont on ne fauroit
prévoir
fur U Sculpture, tiy
prévoir lé defïèin* fans aucun inftru-
ment dans fes mains pour l'exécuter ,
rendra peut-être cet ouvrage une énig-
me à la poftèrité*
A l'égard des beautés de ce petit
^modèle, on convient que les contours
en font coulans , élégans,dans le goût
le plus excellent , & les proportions les
plus autorifées dé l'antique, fl y a ce-
pendant des afpects qui lui font peu
favorables. Tel eft celui du côté où là
tête eft tournée 3 & regarde le fpe&a-
teur afïèz froidement & fans nécefîité.
fon bras qui s'abaiflè &c femble s'unir
à fa cuiflè, forme à la vue des parties
maigres > extrêmement allongées > dont
l'effet n'eft pas heureux.
Le Public n'a pas à craindre que fes
réflexions ne foient bien reçues de la
part de ce grand Sculpteur. Il a tou-
jours admiré avec juftice ce que foa
M
nS Réflexions
cifeau a fait d'excellent , aufïî bien que
fon divin craïbn qui nous a donné des
deflèins comparables à tout ce que les
plus grands maîtres de l'Italie nous ont
laide dans ce genre.
Les quatre buftes de marbre blanc
qui fe voient à la fuite du modèle
dont je viens de parler , font de la
main d'un très - habile Académicien le
Sieur Adam l'aîné. Il a fi fouvent rem-
porté les fufFrages du Public par les
belles productions de fon cifeau ? qu'il
feroit inutile d'en faire l'éloge. Le mo-
dèle de St. Jérôme pour l'Eglife des
Invalides qu'il expofa l'année dernière ,
fut regardé comme un chef-d'œuvre
par la beauté de fa compofition , & par
lexpreiTion fublime qu'il avoit jette fur
le vifage de ce Père de l'Eglife. Ces
quatre bulles- ci , dont le marbre eft
manié avec bien de l'art , repréfentenc
fur la Sculpture. 129
les quatre Elémens. L'Air eft habillé
d'une façon ingénieufe. Sa draperie eft
formée de la dépouille d'une Aigle 9
dont la tête tombe d'un côté fur le
devant de l'eftomac, & les pieds de
l'autre fur le même devant du bufte.
L'air de tête de celle qui eft coë'rTée de
feuilles de jonc , fimbole de l'Eau, eft
d'un goût noble de extrêmement gra-
cieux. Il y a des petits détails à remar-
quer dans ces buftes , dont le fini eft
admirable. Celui du Feu eft un peu pe-
fant & le moins heureux.
Les modèles que l'on voit à la croi-
fée au defTus font du Sr. le Moine le fils
dont on peut appeller le cifeau celui des
Grâces. Faveur rare ! 8c que ces Déefïès
n'accordent ni aux defirs* ni aux tra-
vaux y quand elles n'en ont pas doué
le Peintre ou le Sculpteur à fa naifïàn-
cc! C'eft une efpèce de charme dirE-
M rj
I *o R/flexïons
cile à définir, Ceft une VenuJH , fi j'ofè
me fervir de ce terme , répandue fur
toute la figure, Se principalement fur-
fès traits, qui produit cet intérêt ten-.
dre , cette admiration douce & inté-
rieure que nous fèntons à la vue de
certains ouvrages , tek que plufieurs de
Raphaël , de l'Albane , & des belles,
ftatuës Grecques. Ceft fur le modèle
du fieur le Moine qu'a été fondue la.
fameufe figure équeftre de Louis XV,
pour la ville de Bordeaux & qui l'a
comblé d'honneur. Il a expofé cette
année-ci au Sallon cinq pièces. La pre-
mière eft le modèle de la figure de St.
Grégoire pour l'Eglife des Invalides..
On admire dans fa phifionomie un
caractère de piété & de dignité qui im--
prime du refpect pour ce Pontife , & qui
prêche autant la pénitence que les pa-.
rôles du faim Evangile qu'il tient à lifc
fur U Sculpture. i£t
main. La draperie de fes habits Ponti-
ficaux eft d'une {implicite majeftueufe,
£e modèle a été généralement approu-
vé. Trois portraits en terre cuite font à
côté. Celui du milieu eft le bufte du
Sieur Parrocel , qui fait tant d'honneur
à la Peinture , & à fa nation. Le Pu-
blic a été très fàtisfait de voir la belle
phiiionomie de celui dont il admire ks
Ouvrages dans le Sallon.. Dans l'exa*-
men des Tableaux y j'ai oublié de par-
ler de trois moïens de fa façon» L'un
eft Monfieur le Duc d'Orléans .., ache-
vai y dont la pofition eft hardie , $t
d'un beau choix. Les autres font une
Bataille , & deux petits camps de Gar-
des Françoifes & Suiflès-» d'une ma-
nière peu finie , mais touchés d'art , 8ç
aîvec une vérité fenflble aux ignorans
comme aux connoifïèurs-
On voit aux cotés du portrait dxt
M iij,
1 3 ï Ref exions
Sieur Parrocel en terre cuite , deux pc^
tits buftes de la même matière & du
même Auteur. Ce font deux portraits
ou l'argile eft maniée avec beaucoup*
d'efprit 3 & avec ces grâces qui lui font
familières. On trouve au même en*
droit , Se de la même main , un très-
petit modèle de Narciflè (T connu dans
la Fable par la punition de Ton amour
propre. Quoiqu'il foit extrêmement-
croqué , tout y eft feu & génie.
Deux grands bas reliefs en plâtre
ovales dans la croifée au deftus, font
les modèles de ceux que l'on voit au
portail de l'Eglife des P. P. de l'Ora-
toire St. Honoré qui vient d'être ache-
vée , & dont l'Architecture eft compo-
fée de deux Ordres , l'Ionique au rez-
de-chauflee , & au delfus le Corin»
thien. Elle eft d'une belle proportion y
éc d'un deflèin fage & correcl: , quoi-
fur l'a Sculpture, p$j|
que fans invention. Ce Portail a été:
fort approuvé du Public,' & il le mé~
rite par la propreté de l'appareil , & lai
recherche de la fculpture. Il a la defti—
née de tous les beaux morceaux dJ Ar-
chitecture de cette Ville , c'eft qu'ont
ne fauroir les voir : je veux dire que
l'on ne peut fe placer dans un poinc
de vue convenable pour les obferver»
Tout le monde fait que dans les règles
de la Perfpective , pour bien juger des
proportions d'un bâtiment en hauteur <>
tel qu'une façade d'Eglife , un Portail y
une Tour , &c. il faut être placé dans
une diftance au moins égale à fa hau-
teur. Si fa hauteur, par exemple , eflde
vingt toifes, il faut que l'oeil du fpec-
tateur fbit éloigné au moins de vingt
toifès du pied de l'Edifice, afin que
les raïons qui partent de l'œil , en puif»
fcnt embraflÈr toutes les parties , juger
ï£4 Refexïon?
des effets de l'enfemble , & fi PArdii-
te&e a eu égard aux règles de l'Opti-
que dans fa compoficion. Dans un bâ-
timent en largsur , l'œil du fpectateui:
doit faire le fommet d'un angle équi-
ktéral dont la façade du bâtiment eft
k bafe. On voit par -là s'il eft beau-
coup de morceaux d'Architecture dans
cette Ville -ci, & fur tout de Portails
d'Eglife que l'on punie obferver dans
leur point de vue.. Le premier de tou3
& qui eft eftimé un des plus parfaits
de l'Europe , celui de St. Gervais , a
le même inconvénient que le nou-
veau de l'Oratoire. Cétoit cependant
celui de tous où il eût été le plus aifé
de remédier aux obftacles qui en déro-
bent la vue. De petites maifons laides
& caduques 3 qui dépendent de la
Ville, menacèrent ruine il y a queli»
qjies années , de L'on fut contraint de
fur U Sculpture. ï 3 j
les démolir. Un zélé Citoïen (*) fort W
confideré dans la place qu'il occupe,
mais bien plus eftimé par fes fentimens,.
fe mit, pour ainfî dire, aux pieds de
Monfîeur * * *. pour obtenir au nom
de toute la Ville de ne point rebâtir
dans l'efpace nécelïaire pour permettre
la vue de ce bel ouvrage, monument
de l'habileté de nôtre nation & qu'elle
peut oppofèr à tout ce que l'Italie, a de
plus correct ,. 8t de plus admirable en
ce genre. Il eût beau fupplier , il ne
put jamais trouver 4e Citoïen dans le
Magiftrat » ni le rendre fenfible à ce?
qui lui auroit fait éternellement hon-
neur. Il perfifta à préférer un vil ÔC
très -modique intérêt au bonheur de
s'immortalifer ,, & d'être comblé d'élo-
ges , en faifant jouïr fes compatriotes-:
d'un {pedbable fi cher & Ci précieux:
aux amateurs des beaux Arts étrangers;
i$6 Réflexions
8c regnicoleSr Ce fait arrivé parmi nous
au milieu du Roïaume , dans le fein
de la Capitale , pourroit - il être cru
chez les Peuples (auvages , 8c les moins
policés , mais capables de raifonne-
mens ; fî 3 après les avoir inftruits de
nos goûts 8c de nôtre pafïion pour les
beaux Arts , jufques à établir des Aca-
démies en leur faveur, ils nous voïoient
agir d'une façon entièrement oppofée
à nos fentimens , à nos intentions , 8c
au but de nos établifïemcns ! pour-
roient-ils Hlflfcl# kl*i fliraii » une Na-
tion auflî inconféquente ?
La plupart des autres Portails n'ont
pas de plus heureux emplacemens. Or*
ne fauroit voir celui de la Chapelle des
Orfèvres du defTem du célèbre Phili-
bert de Lorme , le premier François
qui ait ofé bannir le goût Gothique de
notre Architecture > 8c y fubltituëc
fur la Sculpture. 137
les belles proportions de l'Antique ,
qu'il a eraploïées dans la Façade du-,
Palais des Tuilleries du côté du Jar-
din.
Le nouveau Portail de la chapelle de
St. Louis du Louvre inventé Se conduit
par l'illuftre Germain Orfèvre de S. M.
û célèbre dans toute l'Europe par le
goût exquis ôc fublime qu'il met dans
tous fes ouvrages : ce morceau d'archi-
tecture , où il y a beaucoup plus de
génie Se d'invention que dans ce qui a
été fait en ce genre depuis bien des
années , eft encore entièrement hors
du point de vue , & il eft prefque in>
poflîble d'en découvrir l'effet.
A l'égard de celui de St. Sulpice , le
plus fomptueux de tous, ce feroit un
grand avantage pour nos neveux s'ils
ne pouvoient jamais Pappercevoir.
Comment pourront -ils croire que ce
i$S Réflexions
tn.^nument qui doit être étemel pat
les Tommes immenfes & dont peut-être
il n'y a point d'exemple , que Ton a
emploïees à la folidké de fa conftruc-
tion ii exceilîve qu'elle en eft ridicule ,
de îorte que l'on pourroit encore éle-
ver un fécond Portail &: une féconde
Eglife. de la même grandeur fur la pre-
mière avec la plus grande fécurité.
Comment , dis- je , pourront-ils croire
que ces Edifice ait été conitruit du
tems des Bofrrand , des le Mère , des
d'Orbai , des le Blond , des Cartaut ,
des Contant 3 & une infinité d'autres
cxcellens académiciens que l'on n'a
point vus s'écarter des bonnes règles
& des belles proportions , ôc qu'on
leur ait préféré en dernier lieu pour
un ouvrage auiTî capital & aufli coniî-
dérable qu'il s'en trouve à peine un
fcul de cette importance dans un demi
fiécle
fur U Sculpture, fff
fiécle , qu'on leur a.:: , dis-je , préteré
les écarts Se les carnets d'un étranger,
habile ceccrateur as théâtre à la vérités
mais mi: érable Architecte ? Pcurrort-
ls en croire leurs :eux quand Lis ver-
ront la Lctr.ce & le faux goût Ultru-
rnontain triomphe: i: pomp^uiemeu:
dans tout ce: Edifice , aa milieu d'u-
ne Ville où a règne il v au jeu ne
rems la perfection des Ans ? Il ett vrai
eu il e:oi: fer: ccnvenable eue le Por-
tail eu: un ri??::: hemlble a la cem-
don de tout l'intérieur, auùu bien
que la Tribu : : ... /:...: le- ;:-
gués qui lui e:t adcfiee èo qui me: le
comble à Idmpeaitie de tout ce c ani-
ment.
On me pardonnera cette cigrellloa
en faveur de celui de tous les Arts le
plus grand , le plus m.vedueux, oc le
plus utile à la iociete. Celui qui armer.-
N
*4G Ref exions
ce aux étrangers & à tous les peuples
les plus groiliers la magnificence & la-
puiiTance d'une Nation , & en même
ou
tems l'excellence M- la médiocrité de
fon génie , félon que l'Archite&ure de
Tes Palais , de fes Temples j> defes Hôtels
publics Se particuliers , eft bien ou mal
conçue* & proportionnée. Elle eft l'épo-
que la plus vifible & la plus durable
des règnes heureux & pacifiques , auiïî
bien qu'une preuve certaine & rare-
ment équivoque de grandeur dans le
caractère du Souverain égal à la gran-
deur de Ton goût dans les monumens
qui ont été élevés fous fon règne.
Je reviens au bas relief du Sr. Adam
le jeune excellent fculpteur qui font les
modèles des deux que l'on voit au
Poitail de l'Oratoire , dont l'un repré-
fènte une Nativité de Nôtre Seigneur ,
& l'autre fon agonie au jardin des oli*
fur la Sculpture. 141
viers. On admire dans ce dernier l'ex-
prelTion couchante de PanéantiiTement
du Chrift. Le Public a cherché inuti-
lement le rapport du fujet fingulier de
ce bas relief avec les Miitères de J. C.
que l'on honore particulièrement dans
les Egliies de cette Congrégation , qui
font fa Nailîance , fon enfance , 6c les
Grandeurs.
On voit encore du même Auteur à
coté de ces bas reliefs le modèle de
la Déeue Iris qui attache à fon bi'as
une de fes ailes. Cette figure a eu des
regards du Public très favorables. La
pofition de toutes fes parties bien con-
tralrées , le choix avantageux de fon ac-
tion , les grâces de fa tête, tout en plaît,
& y fait agrément.
Le Sieur Falconnet , dont le àl
a de la réputation , a placé dans U
même croilée un modèle en terre cuite
N ij
H* R/jiexions
par lequel il a voulu repréfènter le Gé-
nie de la Sculpture. Il y a de la correc-
tion dans le Deiîein , & de la ûence
dans rattitude. L'air de tète eft un peu
fade & fans caractère , & l'on n'a pas,
trouvée l'idée de l'allégorie remplie par
celle de la compo/kion.
On a remarqué du génie dans les
deux petits croquis en terre cuite du
Sieur Vinache. Dans fa belle figure de
fainte Therefe , Ton a admiré l'expref-
iion de Ton attitude , où Ton cœur fem-
ble s'élever & s'unir à celui qui en eft
l'objet. Les plis de fa robe & de fon
manteau font jettes avec beaucoup de
majeflé Se de vérité.
Les DetTeins expofés dans les embra-
fines des croifées 3 dom4arplûpart font
fous glace , ont arrêtés trop agréable-
ment les ïeux du Public pour les palier
fous ûlence. Il a été enchanté de voir
fur U Sculpture. 143
dan? la préfère d:en h. au: les efcuules
aes Victoires de fon Roi tracées parla
main lavante du Sr. Parrocel : elles lui
ont annoncé que le pinceau de ce grand
homme aufa efamuble par :es rr.ceurs
àmirable par fes talens , avoir été
i pai Sa Majeïté pour être 1H. -
: : de fes co.ncuèzes , en perpe-
: chez la pof:e:i:e . 5c
réveiller la valeur des François à venir
ça: les images vivames ce ce..e: ae
Louis XV, qui refpirera e:e:r.eLle-
(bs Tableaux.
Les craïons au Sieur Hurtin or.: eu
le plus grand nombre d'admirateurs,
me rare & llngulier, dont l'habile
main, à l'exemple au a; aa Pugetâ
manie egalemen: le Pinceau ce le Ci-
11 a au Sallon un modèle en
plâtre de lui de deux pieds de hauteur,
a. oublie de parler, qui te
N iij
J44 Refexîom
fente le nautonnier Caron. Il y a du
feu &. de la chaleur dans fon action,,
fon caractère avare & inexorable for-
me tiomtc fa phiûonomie ôc toute la fi-
gure eit dans un bon goût de Deftèuu
Parmi les craïons expofés de fa com-
pofîtion , on admire l'invention &
l'ordonnance de celui qui eft nommé
le Repos de la Vierge. L'attitude des
Efprits céleftes eft belle , & d'un bon
choix. Il y en a deux fur le côté du
Tableau de-bout , & les bras croifés
qui contemplent paifiblement Jefus-
Chrift. On voit aifément que l'Auteur
leur a donné cette attitude d'attention
pour les faire veiller fur ce divin En-
fant pendant le fommeil de la Vierge
& de St. Jofeph. Celui qui eft en haut;
& qui développe une grande Draperie
pour former un Dais à ce Groupe di-
vin , eft une idée allez heureufe & qui
far ta Sculpture, 'tçf?
fait beauté dans la compofition a laquelle
on ne fauroit rerufer des éloges , ainfr
qu'à fa nouveauté. Mérite rare & dé-
licat dans des fujets dont les bornes,
font fi étroitement fixées par les Livres
faints y lorfqu'on veut éviter les licen-
ces fcandaleufes qui font le plus fou**
vent les effets de l'ignorance de quel-
ques Italiens , 8c de plufieurs Peintres^
étrangers , dans des Miftères où les plaL-
fanteries font toujours déplacées & cho--
quantes, {bit dans le difcours3 foitdans
les repréfentations..
Le Deflèin du même Auteur qui re-
préfènte un Maufolée , efi: dans le bon:
goût de l'antique. Les attitudes des fi-
gures qui font au bas de l'ouvrage fbnt
d'un beau choix pour l'exprefîîon de
l'afrli&ion & des regrets. L'a&ion de
celle qui décore l'urne funéraire d'une
Draperie , eft froide & inutile au fu*
146 Réflexions
jet, quoique avantageufe à la compev
fïtion.
Dans le Defïèin qui repréfente une
Bacchanale , on y apperçoit de l'in-
vention Se des chofes agréables , avec
quelques défauts de correction dans
les parties des figures principales. On
pourroit pardonner dans les Deflèins ces
négligences , lorfqu'ellès ne font pas
confidérables , Se qu'elles font compen-
fées par beaucoup de feu &c d'efprit.
L'idée de l'allégorie du Roi placé
au Temple de Mémoire , étoit d'au-
tant plus difficile à rendre avec une
nouveauté noble Se intérefïante , que
ce Prince a déjà données plufieurs occa-
fions aux Peintres de l'emploïer. C'eft
cependant le fujet que le Sieur Huttin a
conçu avec le plus de dignité , Se expri-
mé de la façon la plus élégante. Il a
placé le portrait de Louis XV. fur
fur U Sculpture. 147
un piédeftal en colomne au milieu du-
Temple , pour laiuer aux Prêtrefïès
l'efpace d'agir à i'entour , de de l'or-
ner pour cette confécration de tout ce
qu'il a pu imaginer de plus honorable
& de plus pompeux. La Gloire , la
Renommée , la Victoire , le Tems ,.
l'Immortalité font tous occupés à cette
efpèce d'Apothéofe. Dans le groupe des
Grâces y leur pofîtion , leur adtion *
leurs belles formes remplirent avec une-
exprefïion neuve l'idée que les meilleurs
Poètes nous en ont donnée. Ce Deneirt
a également fatisfait & les bons Fran-
çois , de les connoifïèurs par le choix,
du Sujet , & par le gracieux répandit
fur le total de la composition , auffi a*
t'il eu l'avantage fur les trois autres.
Celui de feu Moniîeur de Niert pre«*
mier Valet de chambre de Sa Majefté;
& Gouverneur du Louvre ,. gravé par
Ï48 Réflexions
le Sieur Cochin , a de quoi furprendre
dans un particulier qui ne pratiquent le
Deflèin que pour fon amufement , &
n'avoit que très peu de tems à lui don-
ner. C'eft une Bacchanale dans le goût
de l'antique le plus vrai &c le plus
agréable , on y trouve fes Grâces & fa
noble /implicite. Il eft dédié à Mon-
sieur de Bachaumont Ton ami, qui a
de Pefprit , de la délicatefTe , & un
goût éclairé pour les beaux Arts.
Les eftampes du Sieur le Bas qui
décorent les etnbrafures de plufieurs
croifées , font toujours admirées par
l'habileté de fon ourin que l'on peut
appeller le rival du Piùfceau.jCelui du
Sieur Moyreau ne lui cède point pour
rendre avec deux couleurs , d'un arc
& d'une reflemblance qui étonne tou-
jours y les manières & les fineflès de
nos meilleurs peintres Flamands > &
fur ta Gravure. • 149
particulièrement de Vauvremans , celui
qui eft aujourd'hui le plus à la merde,
Les beaux Burins des Sieurs du Chan-
ge âgé de quatre - vingt ans , l'Epicié ,
Surugue nous ont offerr des nouveautés
agréables 6c dont on a admiré lJarc
avec juftice.
Les favans ont regardé avec une
grande fatisfaébion les empreintes ex-
pofées des Médailles, & des Jettons
du Sieur Vivier fî célèbre par toute
l'Europe dans Part difficile de cette
efpèce de gravure que l'on ne fàuroit
trop eftimer. Quel art en effet eft plus
précieux que celui_dont les ouvrages
réfiftent à la voracité du tems , éter-
nifent les édifices, les grands établifïè-
mens , les évènemens les plus impor-
tans des règnes , & les actions des
Rois ! Combien défaits célèbres chez
les Grecs ôc les Romains , combien
* jo Réflexion
d'Edifices qui ont été détruits , de Tem-
ples , d'Arcs de triomphe & de monu-
mens fameux & remarquables , & qui
nous auroient échapés fans les Médail-
les qui les ont furpafles en durée , &
•qui font aujourd'hui les preuves les plus
-authentiques & les plus inconteftables
de l'Hiftoire ! Celles du jfiécle de
Louis XIV. & celles du fiécle de
Louis XV. qui ne leur font point
inférieures > feront recherchées dans des
tems extrêmement éloignés , comme
aujourd'hui les Médailles Grecques ou
du haut Empire. Mais ce ne fera pas
feulement l'habileté de nos Graveurs
qui les rendront précieuiès 3 les favans
Académiciens établis par nos Rois à
ce fu jet , auront la meilleure part à
leur prix & à leur valeur. Monfieur de
Bofe eft un des plus diftingués en ce
genre. Si l'on admire avec juftice la
belle
fur la Gravure. ijt
exécution du Sr. du Vivier, les belles
formes puifées dans l'excellent goût de
l'Antique par le Sieur Bouchardon dont
les favans craïons en font aujourd'hui
les Deffeins , quelle eftime ne doît-on
pas à ce célèbre Académicien qui eft1
l'ame de nos Médailles > qui fait ad-
mirer fa penfee dans les devifes malgré
la gêne & la contrainte de la brièveté
à laquelle il eft affujetti i Mais fes heu-
reufes devifes & fa profonde érudi-
tion lui font un mérite bien inférieur à
celui d'avoir des mœurs douces , mo-
deftes , propres à 1 amitié ;,.de chercher
à* mettre de l'agrément dans la fociété-,
d'apporter dans les entretiens des tons
modérés , Se fans orgueil ni fupériorite*
Voilà à mon gré les feuls favans ai-
niables.
Toutes les différentes beautés de ces
ouvrages exigeraient avec juilice un
Q
i/i Réflexions
examen & des éloges qui paflèroienc
l'étendue que l'on s'eft propofée dans
cet écrit ,. dont le but a été uniquement
d'encourager les talens de nôtre Ecole
dans des tems. peu favorables aux Arts.
On a eu principalement en vue de faire
parler à nos célèbres Artifles les fenti-
rnens du Public fur leurs Ouvrages.
Gn n'a point voulu les tromper par des
louanges exceffives ou fans exceptions
qui ne les auroient ni flatés s ni corri-
gés.. On a ufé de tout le ménagement
pofïîble en leur faifant parrdes remar-
ques du Public fur quelques endroits
moins admirables , ou, fur quelques
légers défauts qu'un Auteur ne fauroit
jamais voir fans le fêcours d'un œil
étranger , connoiflèur, & defintereflè^
On eft perfuadé qu'une critique fage
& mefurée > renfermée étroitement dans
les bornes de,la polkeflè ^ & de ce qu*
fur U -Peinture, ïj$
l'on fe doit réciproquement dans la
Société , bien loin de nuire à aucun
talent, doit au contraire beaucoup fla-
ter celui qui le poflède > fbit en mettant
fès beautés au grand jour > foit par
l'examen & l'attention particulière qu'il
a mérité du Public.
Que ceux fur lefquels on a gardé le
izlence» nepenfènt pas que l'on- n'eût pu
parler d'eux avàntageufement fans blet
fèr la vérité. Il n'y a point eu d'Ou-
vrage expofé dans le Sallon , où l'on
n'ait trouvé quelques beautés à remar-
quer , mais la feule raifon a été la
brièveté '.que l'on s'étoit propofée dans
Cet écrit pour échaper au dégoût infé-
î>arable des louanges. ,
On confeille fort aux Auteurs de mé-
j>rifer avec fermeté > loin d'en être dé-
couragés , la cenfiire anière 3c maligne
4e plusieurs fpe&atewrs pendant l'expo-
Oij
*54 Réflexions
fition, avec autant d'injuftice que d'îrW
décence. Dans la plupart , c'eft jalou-
fie ; chez d'autres , c'eft humeur & an-
tipathie à toute approbation, fbuvent
un ridicule orgueil de ne point vou-
loir plier fbn fentiment à l'opinion com-
mune \ chez d'autres enfin c'eft une va-
nité allez folle de prétendre fe faire re-
marquer par la fingularité de fes décî-
fions & le travers de fon efprit, ne pou-
vant fe diftinguer par ia droiture.
Une confblation des plus fenfibkfc
aux perfonnes aflèz malheureufes pour
ne pouvoir fervir leur Patrie ni par
l'utilité , ni par l'agrçment ; ce {eroit
.celle de travailler , & d'aider à la ré-
putation de ceux qui l'honorent par
leurs talens , de les publier par tout ,
Se par - là d'exciter chez leurs amateurs
îes plus éloignés le deiir d'en embellir
îems cabiners dans îes Provinces , £c
fur ta Peinture. ï$f
dans les Païs étrangers. Y réiïfïîr , ce
fèroit contribuer en quelque forte à
l'intérêt des Auteurs 3 & à la gloire de
la Nation. Qyel bonheur pour ce foi«
fok écrit qu'un pareil fuccès I
W 1 N,
^^A^AtA^A*^A^»J
*• -k 4> 4t •jAk-^' »V ■ jAk-J* &. >k
A^^A^Ta^j^A^A^A
>T»uATAÏ^A?ATAy4
AÏA>ÏAtAîAtAT«
A*A*A*A*A*A*A
f4> 4/ *t«W^W»iy «A* «^ ^ sl/W-jfc^
* * # *A*AA*A*A*i
t
' V* V* V* V*Hc *>>